Artistes sans art ? de Jean-Philippe Domecq

Voilà un petit livre dense sensé donner des pistes pour mieux appréhender l’ art contemporain.

Dense et foisonnant, les idées semblant partir parfois en tous sens, échappant au plan pré-établi. L’auteur semble pourtant s’y retrouver et retombe sur ses pieds. On le suit avec peine. Après avoir fait un état des lieux de l’art contemporain, l’auteur recherche ses origines dans l’Art Moderne : il naîtrait dans l’opposition à celui-ci. L’opposition des oppositions aboutit à ce que la signature de l’artiste (mais s’il n’y a plus d’oeuvre, reste-t-il un artiste ?) soit devenue suffisante.

On sait que depuis 1991 Jean-Philippe Domecq est parti en croisade pour révéler et oser dire au monde l’absurdité d’un certain art contemporain. Ici, les coupables de cette dérive seraient les critiques d’art qui créent l’oeuvre autour du discours. Pour ne pas passer pour un réactionnaire (il ne rejette pas tout l’art contemporain, seulement sa dérive) il prend les critiques d’art sur leur terrain et fait une analyse d’extraits de leur rhétorique en en prenant le contre-pied, mais en utilisant leur forme stylistique, ce qui est parfois agaçant :

« …faut-il continuer à disséquer chaque étape de l’exégèse laudative – autrement dit l’hagiographie théoricienne -, continuer de lire et lire pas seulement ce critique mais… »

Il considère que « l’intelligence des critiques d’art fut à la remorque d’une intelligence commerciale de haut vol » : là, on comprend bien. Un chapitre s’intitule à cet égard : « Pourquoi un de Kooning vaut-il un Raphaël+ 1 Titien+1 Gréco+1 La Tour+2 Véronèse+2 dessins de Poussin ? ». L’une des pistes de ce succès serait la recherche du « nouveau » à toute force : le « nouveau » rimant avec « produit » et donc rotation du marché. L’oeuvre disparaît au profit de l’objet spéculatif.

De temps un coup de griffe ramène au sujet premier :« il ne nous est pas interdit de penser que c’est faire preuve de mépris de la pensée que de tant gloser sur si peu, sur des oeuvres écrasantes d’ennui » ou « précisément parce qu’il tient compte de l’oeuvre, c’est ce constat qui sera taxé d’anti-intellectualisme – avec les accusations politiques que le diagnostic ne manque pas d’insinuer puisque l’anti-intellectualisme véhicule inconsciemment ses présupposées idéologies réactionnaires. » Ou sur cette critique de Ryman : « …il (le critique : NDLA) vous répondra toujours quelque chose, quoi que vous fassiez observer, il répondra à l’infini ».

Le livre se termine avec des critiques d’oeuvres de Giacometti, Hopper et par des interrogations autour de diptyques imaginés qui laissent effectivement interrogatifs !

A lire lors d’une période de grande réceptivité intellectuelle et avec beaucoup d’abnégation.

Muriel Marhic, http://www.marhic.com

P.S Artistes sans art ? de Jean-Philippe Domecq – Agora – Pocket

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