Le rameau, la palme et la couronne : les végétaux glorieux…



Le végétal de la victoire

Nous avons vu dans les peintures d’apothéose, que c’est toujours une tierce personne qui couronne le sujet central du tableau. Mis à part les apothéoses, il n’est pas rare de voir des  grands moments de l’histoire représentés en peinture, dont l’acteur principal (un souverain ou souveraine) se fait couronner de végétal par une allégorie ou une divinité secondaire afin d’en célébrer le bon accomplissement. Dans Louis XIII recevant les clefs de la Rochelle, le souverain tout juste victorieux du siège de 1628 reçoit d’une jeune fille agenouillée (représentation allégorique de la Rochelle), la clé de la cité, tandis qu’une sainte nimbée, avec une croix dans la chevelure, tenant la palme de la victoire, s’apprête à couronner le roi glorieux. La sainte qui rappelle fortement la Victoire de l’apothéose de Napoléon Ier, est entourée de deux anges, l’un à la trompette et l’autre à la banderole rappelant que Dieu aide les siens (Auxilium suis Deus).


Anonyme français ou flamand. Louis XIII recevant les clefs de la Rochelle. 17e siècle. Huile sur bois. 56,4 x l75 cm. Collection du Musée d'Orbigny Bernon, La Rochelle

Anonyme français ou flamand. Louis XIII recevant les clefs de
la Rochelle. 17e siècle. Huile sur bois. 56,4 x l75 cm. Collection
du Musée d’Orbigny Bernon, La Rochelle

 

 

La nature morte d’armures au premier plan, signe de reddition, est en verticalité parfaite avec la palme de la sainte. Ce tableau anonyme a beaucoup frappé de par l’absence significative de Richelieu alors que Bassompierre et Schomberg y sont représentés, car comme le remarque Emmanuel Le Roy Ladurie, Richelieu et Louis XIII sont souvent représentés ensemble :


« En outre, Richelieu s’arrange, dans l’iconographie, pour former couple avec Louis XIII, une seule
entité en deux personnes, lui-même étant l’Hercule de cet Atlas, le Mentor de cet Ulysse, le Moïse de Yahveh » (Emmanuel Le Roy Ladurie. L’Ancien Régime: L’absolutisme en vraie grandeur (1610-1715). Hachette, 1993. Page 138)

Ce tableau reste anonyme malgré la récente découverte lors de sa restauration, d’un monogramme sur le boulet de canon en bas à droite. La Sainte offrant la couronne de laurier, se trouve être Notre Dame des Victoires, sainte à qui Louis XIII fera la promesse d’ériger une église en son honneur afin de la remercier de sa victoire contre les protestants de la Rochelle.



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Un autre tableau signé Philippe de Champaigne nous présente un Louis XIII devant le paysage rochelais, se faisant couronner par Victoria, mais cette-fois-ci dans l’intimité. Portant son collier de l’ordre du Saint-Esprit, il attend sa couronne, qui est beaucoup plus proche de sa tête que dans le tableau précédent. En bas à gauche de la toile une inscription latine nous dit la chose suivante : Auxilio socios qui fortibus armis defendit, laesaque jura dei.


Philippe de Champaigne. Louis XIII couronné par la Victoire. Circa 1635. 228,5 x 175 cm. Musée du Louvre. Département des peintures. Paris

Philippe de Champaigne. Louis XIII couronné par la Victoire. Circa 1635.
228,5 x 175 cm. Musée du Louvre – Département des peintures. Paris




La couronne de laurier, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas seulement l’apanage des hommes en peinture. Dans la Prise de Juliers, Marie de Médicis est représentée en portrait équestre, type de portrait réservé généralement aux grands chefs de guerre. Portant le casque de Minerve et le bâton de Maréchal, Marie de Médicis est assise en majesté sur un très beau coursier. À sa droite, se tient l’allégorie de la Générosité avec son lion, tandis qu’à sa gauche, une Victoire ailée s’apprête à la couronner de laurier, tandis qu’une figure de la Fama, souffle énergiquement dans une trompette (visible par le gonflement des joues, et le regard travaillé).


Rubens. La Prise de Juliers, le 1er septembre 1610, dit autrefois Le Voyage de Marie de Médicis au Pont-de-Cé. Huile sur toile. 1622- 25. 394 x 295 cm. Musée du Louvre. Paris

Rubens. La Prise de Juliers, le 1er septembre
1610, dit autrefois Le Voyage de Marie de
Médicis au Pont-de-Cé. Huile sur toile. 1622-
25. 394 x 295 cm. Musée du Louvre. Paris



Cette peinture fait partie de la série de 24 tableaux à la gloire de Marie de Médicis, pour décorer la galerie occidentale du premier étage de son palais du Luxembourg à Paris. Ce tableau est caractéristique de la manipulation des vérités historiques. En se faisant couronner par la Victoire, Marie de Médicis passe pour être l’actrice principale de l’accord entre les armées belligérantes, or en réalité elle n’a joué qu’un rôle mineur dans cet événement.


Dans un tout autre registre, nous allons voir que la couronne peut être utilisée à visée
commémorative de la gloire passée. Un cas significatif est la représentation par Horace Vernet, de Napoléon sur son lit de mort.


Horace Vernet. Napoléon Ier sur son lit de mort

Horace Vernet. Napoléon Ier sur son lit de mort

Horace Vernet était très admiratif de Napoléon. Grand peintre d’histoire, il représente l’Empereur dans une mort christique. La couronne de laurier, qui fait penser à un Empereur romain rappelle que c’est un hommage posthume, une glorification du personnage. Le vert du laurier, contraste avec le blanc du linceul. Ce tableau funèbre d’Horace Vernet me fait penser à un emblème intitulé Victoria Limes (Victoire dernière). Dans cet emblème le philosophe Épictète explique à l’empereur Adrien que l’on couronne un mort afin de témoigner de la vie du défunt, qui a su échapper aux divers obstacles et vicissitudes de la vie.



Victoire dernière

Conclusion



Nous l’avons vu tout au long de cet article, le rameau d’olivier, la palme de victoire, la couronne de laurier, font souvent partie des attributs majeurs des peintures allégoriques ou des tableaux à la gloire d’un personnage, d’un événement historique. Ces éléments végétaux, qui peuvent paraître anodins si on ne s’y attarde pas, sont en fait essentiels dans ce genre de portraits, puisqu’ils servent à construire une image idéalisée d’une personne de haut rang. Il sert l’exaltation du culte de la personne, la propagande d’un gouvernement en place, la construction d’une mythologie française (puisque nous avons vu des exemples de peintures, essentiellement français). Le rameau occupe une place primordiale dans l’histoire de l’art. Il sert à suggérer une figure allégorique, une vertu, une aire géographique. Ainsi une femme noire avec un rameau devient une allégorie de l’Afrique, une femme avec un rameau vert ou sec peut symboliser une saison comme dans les exemples ci-dessous.






Il faut bien comprendre, qu’en histoire de l’art, peindre un personnage avec un rameau, une palme, ou une couronne, lui confère un statut particulier. Ainsi Henri IV avec un rameau d’olivier n’est plus réellement Henri IV, il perd une partie de son identité afin de devenir autre : avec le rameau, Henri IV devient une allégorie. Ce n’est plus le Roi de France mais le Prince de la Paix. Même chose, avec sa couronne de laurier, Napoléon n’est plus un simple mortel, il est élevé au rang de divinité française auréolée de gloire. De plus la couronne ou le rameau ne confèrent pas seulement une impression de gloire, de fortune (au sens étymologique du terme), ou de renommée, mais aussi une certaine poésie à la composition. Il ne faut pas oublier que de nombreux poètes antiques étaient représentés avec un rameau ou une plante à la main, pour témoigner de leur art.

Tony Goupil.

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