La Course à l’abîme de Dominique Fernandez

On a peu d’éléments biographiques sur la vie tumultueuse de Michelangelo Merisi da Caravaggio (1571-1610)dit Le Caravage.

Dominique Fernandez réalise la prouesse de reconstituer l’histoire de sa vie à partir de ce peu d’éléments, mais aussi en s’appuyant sur l’étude et l’analyse des peintures du Caravage.

En cours de lecture, on ressent d’ailleurs rapidement la nécessité d’avoir sous la main des reproductions de ses oeuvres pour les comparer au texte. Et l’ensemble fonctionne bien !

La réalité historique et l’imagination de l’auteur se confondent, sans incohérence, et on se plaît à y croire. D’autant que le roman est écrit à la première personne. C’est donc l’histoire de ce peintre à la vie parfaitement dissolue qui se déroule dans l’Italie du XVIIe siècle, de Rome à Naples, en passant par la Sicile, avec au passage, une belle description des mœurs de l’époque.

Qu’est-ce qui fait donc courir cet artiste qui dit ne pas savoir dessiner ? Qui exalte la sensualité et même l’érotisme dans ses peintures pourtant aux sujets religieux ? Qui, soupçonné d’hérésie, trouvera toujours un notable pour le défendre et le sauver ? Qui fera de la prison, se battra en duel ?

Est-ce l’amour de la bagarre dans des bars louches ? Son penchant pour les filles de joie qui lui servent de modèles pour ses Saintes ? Cet autre penchant très prononcé pour les garçons auxquels il ne sait pas résister pour peu qu’ils soient des voyous ?

Et pourquoi mord-il toujours la main qui le nourrit ? En tous cas, un seul lui restera fidèle jusqu’à la mort, et il aura bien du mérite, c’est le sicilien Mario.

Le roman est gros (plus de 700 pages), agréable à lire, instructif : on s’imagine mal combien les peintres avaient du mal à faire accepter leurs oeuvres sans une connaissance exacte de l’histoire religieuse et de sa codification très rigide ; par exemple un verre de vin rouge à la main, des fruits ou des fleurs mal utilisés, et c’est au mieux le refus, au pire, la prison !

Extraits :

-  « La grenade éclatée, dont les graines symbolisent la parole de Vie projetée aux quatre coins du monde… »

-  « Que leurs Eminences me croient sur parole : autant pommes et raisin seraient blasphématoires dans une Vanitas, autant des cerises et fraises s’accordent à un tableau qui fustige les plaisirs des sens. »

A noter certains passages très érotiques entre deux amants masculins qui s’expliquent peut-être par le fait que l’auteur, par ailleurs académicien, se qualifie lui-même de « premier académicien ouvertement gay », et qu’il défend la cause homosexuelle. Cette précision donne un éclairage sur le parti-pris de l’auteur pour dessiner et défendre le personnage central du roman.

Muriel Marhic, voir le site

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