La Peste de Camus

En ces temps de confinement on peut lire (ou même relire) le roman d’Albert Camus « La Peste », comme l’a d’ailleurs suggéré Michel Onfray.

Camus a publié « La peste » en 1947. Mais il y pensait depuis longtemps et il écrit à André Malraux le , qu’il est occupé à l’écriture d’« un roman sur la peste ». Il ajoute : « Dit comme cela, c’est bizarre, […] mais ce sujet me paraît si « naturel » (wikipédia)

Le livre se passe dans les années quarante en Algérie alors département français, à Oran. Belle description de la ville qui ne donne pas vraiment envie d’y vivre :

La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. … une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ? Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.

La peste arrive doucement, insidieusement et la ville d’Oran est fermée. Il y a de plus en plus de victimes et les autorités sont un peu dépassées. Cette épidémie durera environ 10 mois (d’avril à janvier).

Un passage terrible, c’est la description de l’agonie et la mort d’un enfant dans son lit d’hôpital, avec tous les médecins et un prêtre autour de lui.

Réflexion intéressante :

L’honnête homme, celui qui n’infecte presque personne, c’est celui qui a le moins de distraction possible. Et il en faut de la volonté et de la tension pour ne jamais être distrait !

Discussions entre Rieux, médecin et personnage central du roman et Tarrou, un jeune rentier :

– En somme, dit Tarrou avec simplicité, ce qui m’intéresse, c’est de savoir  comment on devient un saint.

– Mais vous ne croyez pas en Dieu.

– Justement. Peut-on être un saint sans Dieu, c’est le seul problème concret que je connaisse aujourd’hui.

(…) Et, à la limite de l’humour mais représentant bien les opinions de Camus, libre penseur, qui met ses opinions personnelles dans plusieurs personnages :

 – Peut-être, répondit le docteur, mais vous savez, je me sens plus de solidarité avec les vaincus qu’avec les saints. Je n’ai pas de goût, je crois, pour l’héroïsme et la sainteté. Ce qui m’intéresse, c’est d’être un homme.

– Oui, nous cherchons la même chose, mais je suis moins ambitieux.

Et cette phrase si belle :

« Ma mère était ainsi, j’aimais en elle le même effacement et c’est elle que j’ai toujours voulu rejoindre. Il y a huit ans, je ne peux pas dire qu’elle soit morte. Elle s’est seulement effacée un peu plus que d’habitude et, quand je me suis retourné, elle n’était plus là. »

Vers la fin, on trouve des réflexions philosophiques sur le souvenir et l’espérance, très intéressantes aussi. C’est la mère du Docteur Rieux qui s’inquiète :

– Il faudra que tu ailles te reposer en montagne, là-bas.

– Bien sûr, maman.

Oui, il se reposerait là-bas. Pourquoi pas ? Ce serait aussi un prétexte à mémoire. Mais si c’était cela, gagner la partie, qu’il devait être dur de vivre seulement avec ce qu’on sait et ce dont on se souvient, et privé de ce qu’on espère. C’était ainsi sans doute qu’avait vécu Tarrou et il était conscient de ce qu’il y a de stérile dans une vie sans illusions. Il n’y a pas de paix sans espérance, et Tarrou qui refusait aux hommes le droit de condamner quiconque, qui savait pourtant que personne ne peut s’empêcher de condamner et que même les victimes se trouvaient être parfois des bourreaux, Tarrou avait vécu dans le déchirement et la contradiction, il n’avait jamais connu l’espérance. Était-ce pour cela qu’il avait voulu la sainteté et cherché la paix dans le service des hommes ?

La dernière phrase du roman n’est pas vraiment optimiste et nous renvoie aussi au problème du déconfinement :

Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.

Il y a dans « La peste »,  une allusion à la « peste brune » autrement dit le nazisme (Albert Camus fut résistant actif pendant l’occupation allemande) et les personnages ont donc tous une double casquette. Il y a la figure du résistant, celle du collabo, etc.

Donc, ce roman est à lire et on verra qu’il n’y a rien de vraiment nouveau sous le soleil !

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