L’oeillet peint : une fleur picturale (deuxième partie)

Les hommes de renom à l’oeillet.

On pourrait penser au premier abord que l’oeillet est plutôt associé à la femme dans la peinture. Pourtant de très nombreux grands hommes sont représentés avec cette fleur. Joos van Cleve, qui avait déjà peint une madone à l’oeillet, a aussi peint l’empereur Maximilien Ier (Empereur du Saint Empire romain germanique) de la même façon.

On peut remarquer sur cette peinture que l’empereur porte un manteau en brocart, le collier de l’ordre de la toison d’or (ordre de chevalerie fondé à Bruges par Philippe le Bon, duc de Bourgogne en 1430). Sur cette peinture Maximilien est représenté plus jeune qu’il ne l’est en réalité. Il est peint jeune, dans sa période de Bourgogne (1480) et non lorsqu’il est empereur (de 1508 à sa mort). Des variantes existent pour ce portrait, notamment une où les fleurs est remplacée par un rouleau de papier (voir ci-dessous).

Mais attardons nous un moment sur la figure de cet oeillet, tenu entre le pouce et l’index par Maximilien. Karl Rausch explique en 1880 le rapport entre la fleur et le souverain dans son livre Die burgundische Heirat Maximilians I :

« Donnant suite à l’invitation, le duc Maximilien chevaucha vers le château ducal à onze heures de la nuit. Il y avait une telle foule de peuple qu’il fut, ainsi que ses princes et seigneurs, bien des fois bousculé de ci, de là, et que pendant longtemps il ne lui fut pas possible d’arriver à l’escalier. Il l’atteignit enfin. Il fut salué par les dames et selon une habitude du pays reçu par un baiser. Il lui fut ensuite donné à entendre comment et où Marie avait caché un oeillet sur elle et que, suivant la coutume il avait à le chercher. Sur ce, il commença à chercher tout honnêtement avec deux doigts pour saisir la fleur, mais il ne put la trouver sans avoir, sur le conseil de l’évêque de Trêves, ouvert le vêtement de la jeune fille ».

Maximilien tenant l’oeillet entre le pouce et l’index dans la peinture fait donc écho à l’anecdote historique, la chasteté de l’époque obligeant les hommes à agir ainsi dans cette recherche intime de l’oeillet.

 

Hans Holbein le jeune, le célèbre peintre, auteur du tableau « Les ambassadeurs », a sûrement rencontré Simon George de Cornouailles à la cour d’Henry VIII lorsqu’il était peintre pour ce souverain. C’est le seul portrait de profil qu’à peint Holbein. On connaît très peu de choses de « Simon George of Cornwall ». Le portait indique visiblement par l’oeillet que l’homme allait ou souhaitait vraisemblablement se marier (l’oeillet était le symbole d’une union future, d’un mariage, de fiançailles). Le béret de Simon George est semblable à celui d’Henry VIII peint par le même Holbein. On peut voir sur le béret des fleurs qui font écho aux oeillets ainsi qu’une sorte de broche représentant Léda et le cygne. Cela renforce l’allusion à l’engagement et à la consommation de la relation. Le format circulaire est devenu très populaire après la mort d’Holbein. Cela fait penser aux Tondi.

Le tondo (au singulier) est une composition de peinture réalisée sur un support de format rond ou à l’intérieur d’un disque, et non en rectangle comme il est plus courant. Le terme provient de l’italien, c’est une aphérèse du mot rotondo (rond). Dans la représentation de Simon George, on distingue une dignité qui se dégage (notamment par la représentation en profil) tout comme les princes représentés sur les monnaies romaines antiques.

On peut remarquer un très grand contraste entre les couleurs. L’aspect porcelaine de la peau, dont le teint renforce, selon moi visuellement le rouge de l’oeillet. Holbein, en 1533, a représenté un autre homme (inconnu) à l’oeillet sur un format « médaille ».

 

 

Hans Holbein le jeune était visiblement très attaché à cette fleur. Il a en effet peint le marchand George Gisze (1497-1562) à côté d’un vase rempli d’oeillets. Le marchand appartenant à la ligue hanséatique (association maritime et commerciale de villes marchandes) aurait été portraituré par Holbein à Londres en 1532 (le marchand avait alors 34 ans).

 

 

Nous voici donc en présence d’un « portrait professionnel » où l’homme est représenté avec ses outils de travail. Au-dessus de la tête du marchand se trouve un poème en latin louant ses qualités. À côté de la balance suspendue, on peut aussi lire un motto disant : Nulla sine merore voluptas (il n’y a pas de plaisir sans affliction). Les oeillets dans le vase sont un symbole de fiançailles. Trois ans après l’élaboration du portrait, Gisze se maria à Dantzig, et on peut supposer que le portrait a été commandé en prévision du mariage. Les oeillets comme n’importe quelle fleur, sont périssables. Ils peuvent donc aussi être vus comme un écho au motto latin. Le plaisir de voir des belles fleurs est suivi de l’affliction, du regret de les voir se faner. Les oeillets dans le vase en verre vénitien est très proche du bord de la table. Cela a été vu par les critiques comme le symbole de l’instabilité du monde, de la société, de la réussite.

Le père d’Hans Holbein le jeune, Hans Holbein le Vieux, s’est lui aussi prêté à l’exercice de la représentation de l’oeillet dans une toile ayant pour modèle l’un des membres de la famille Weiss d’Augsburg. Le jeune homme peint à l’âge de 22 ans est montré avec son béret faits de ruban entrelacés, qui était à la mode à l’époque. Le bouquet d’oeillets tenu avec l’épée pouvait encore une fois être le symbole d’un engagement futur.

 

 

Pour le moment nous avons vu des portraits où le modèle était « facilement identifiable ». Mais ce n’est pas toujours le cas. Prenons le cas de ce portrait de la période médiévale.

 

L’homme au gros nez busqué pourrait possiblement être Jean de Bavière, évêque de Liège, surnommé Jean sans pitié. Il tient des oeillets rouges et blancs, emblème de l’amour et de la constance. Le portrait aurait été réalisé en fait par un épigone de Van Eyck. Le modèle porte une croix en argent de l’ordre de Saint Antoine. Les « Hommes d’affaire » et l’oeillet. Comme nous l’avons vu avec George Gisze, ce ne sont pas que des princes ou souverains qui peuvent être peints tenant un oeillet, mais aussi parfois des marchants, des commerçants. Un exemple très marquant est le portrait de Pompeius Occo (marchand prospère d’Amsterdam) par Dirck Jacobsz (1496-1567). Occo originaire d’Allemagne, s’établit à Amsterdam en 1510. Il s’occupa des intérêts de la puissante famille des Fugger. Sa situation florissante lui a permis de prêter de l’argent à la ville et aussi à la régente des Pays-Bas, Margaret de Parma. Pompeius Occo, en plus d’être banquier, aurait été un grand humaniste et aurait possédé une bibliothèque d’importance avec plusieurs manuscrits de valeur. On peut apercevoir le blason de sa famille accroché à une branche d’arbre en arrière-plan.

Dans ce portrait le visage de l’homme fortuné est d’une placide sérénité, ce qui contraste avec son rang. On imagine plutôt un visage dur, le visage grave de l’opulence, l’oeillet ne fait que rajouter à cette atténuation.

 

Pompeius Occo (ou Pompejus Occo)
Dirck Jacobsz 1531. Huile sur toile. 66 x 54 cm. Rijksmuseum.

 

Chacune des mains du banquier éprouve le toucher. L’une des mains est associée au mort (crâne), l’autre au vif (fleur). Le crâne signifie l’impermanence tandis que l’oeillet se réfère à la résurrection. Cette association d’idées contraires est un code permettant d’insister sur le fait que la fortune et la prospérité sont des choses éphémères. Le message implicite s’en trouve d’autant plus accentué par la précieuse fourrure portée par Occo. On a donc un trio d’objets (fleur, os, vêtement) permettant de montrer le caractère éphémère de la puissance.

Un autre artiste a pratiqué une association similaire : Barthel Bruyn le Vieux (peintre de l’école Allemande). Il a représenté un homme tenant un oeillet ainsi qu’un gant. On peut deviner que l’homme est issu d’une classe sociale élevée puisqu’il possède une fourrure comme Pompeius Occo. Cependant on ne sait pas qui est l’homme représenté, et même le blason n’a pu être identifié. Cette peinture se trouve être en fait l’avers d’une autre peinture représentant un crâne et un fémur (revers donc). On revient donc sur la même idée d’impermanence de la vie et de la richesse.

 

 

Barthel Bruyn a aussi représenté un homme plus jeune, tenant un oeillet, toujours dans le même style. Mais un oeillet blanc, symbole de pureté.

 

Christoph Amberger quant à lui a peint le portrait d’un orfèvre en 1531, Jörg Zörer. Comme l’indique l’inscription en haut de la peinture Aetatis XXXXI, l’orfèvre d’Augsburg est âgé de 41 ans sur le portrait. Il est représenté dans le style nordique avec une épaisse fourrure. Il porte à l’index droit une bague portant un sceau : une faux et une hache. La représentation du personnage sur un fond en bois permet de montrer la virtuosité du peintre, et de rendre les contours du modèle plus saisissants. L’oeillet rouge symbolise l’engagement. Il n’y a aucun doute puisque Christoph Amberger, exactement la même année a peint le portrait de la femme de Zörer, âgée de 28 ans. Celle-ci tient non pas un oeillet rouge mais un oeillet blanc (le blanc étant la couleur de la pureté). D’ailleurs ce même oeillet ajoute une certaine touche de douceur dans ce portrait. Il contraste avec les couleurs de la robe très sombre et sobrement taillée. Avec le regard sérieux de la dame.

Amberger dote le visage de l’orfèvre d’une sérénité qui contraste avec la gravité du portrait germanique traditionnel. Il rompt donc avec une certaine tradition, tout en gardant sa virtuosité pour montrer l’état psychologique de son modèle.

 

 

Christoph Amberger a peint un autre portait d’homme âgé de 25 ans. Il a parfois été vu que cet homme tenant un oeillet (toujours de couleur rouge, couleur de prédilection visiblement chez l’artiste) pourrait être Zörer plus jeune.

 

Il semblerait que Christoph Amberger ait été très attaché à la représentation des hommes puissants d’Augsburg puisqu’il a peint en 1538 un portrait de Patrizier Ulrich Sulczer (1463-1555), homme d’importance de son temps, toujours avec un oeillet !

 

Portrait de Patrizier Ulrich Sulczer (1463-1555)
1538

 

L’homme à l’oeillet au XVe siècle.

La représentation de l’homme avec la fleur de la carnation a traversé les siècles. J’adopte maintenant un point de vue chronologique.

J’aimerais citer en premier lieu une oeuvre d’Hans Memling (1430-1494).

Memling est un peintre néerlandais actif à Bruges à partir de 1465. Né près de Francfort, son travail n’évoque pourtant aucune influence germanique. Les peintures de Memling sont en général austères et pieuses. Son style a très peu changé durant toute sa carrière ce qui rend parfois difficile de dater certains de ses travaux. C’est dans ses portraits que son originalité s’affiche et non dans ses sujets religieux. Il a été l’un des artistes les plus populaires de son temps, et son atelier semble avoir été très actif.

 

 

Le personnage assis peut avoir été un membre de la colonie italienne marchande de Bruges, où Memling fut un peintre leadeur. L’oeillet dans la main du jeune homme est probablement un symbole de fiançailles, ce qui suggère que la peinture peut faire parti d’une paire de portraits de mariage. Mais parfois dans certains portraits, l’oeillet et sa couleur rouge-sang semble être peint par simple esthétisme.

Comme dans cette représentation d’homme au turban. l’oeillet rouge fait écho à la couleur du turban qui est dans une teinte très similaire. Le costume de l’homme permettrait de dater le portrait dans les années 1440.

 

 

On distingue une grande différence dans la composition de ces deux portraits.

Alors que celui de Memling, crée une sorte de symétrie avec deux « items » dans chaque main, équilibrant le portait sur les côtés, « L’homme au turban » (que l’on a parfois attribué à Robert Campin) tient son oeillet entre le pouce et l’index, comme à l’habitude, mais avec ses mains l’une sur l’autre, plaçant l’oeillet en position centrale, au milieu de la toile. La tête de la fleur formant une ligne avec le petit bijou argenté de l’habit noir. Plusieurs siècles plus tard, au XIXe mais dans le même esprit d’association de couleurs, on peut citer « La femme au chapeau rouge et à l’oeillet » d’Hugo von Habermann.

 

Personnellement cet écho de rouge entre le textile et le végétal m’a fait penser à une nature morte de Jacob van Hulsdonck, peintre d’Anvers (1582-1647) : la « Nature morte à l’oeillet et aux fraises sauvages » . Le rouge des pétales trouve sa redondance à la fois dans les fraises et les cerises.

 

 

D’autres portraits d’hommes à l’oeillet à la Renaissance.

La National Gallery de Londres offre à la vue du spectateur, deux superbes portraits d’hommes à l’oeillet. Un premier portrait a été peint par Andrea Solario (1465 – 1524). Peintre originaire de Milan, Solario a été actif à Venise en 1495, où le développement de son style au début a été influencé par le travail d’Antonello da Messina et de ses disciples. De 1507 à 1509 il a été actif en Normandie, dans le service du cardinal d’Amboise. Sa dernière oeuvre est datée de 1515.

Homme à l’oeillet. 1495
Andrea Solario Huile et oeuf sur peuplier. 49.5 x 38.5 cm. National Gallery, Londres

 

Le portrait de Solario est censé représenter un sénateur vénitien. Le travail sur les mains est très soigné. Elles sont prédominantes et occupent une place importantes sur la toile. Ses mains travaillées permettent à la fois de souligner l’oeillet mais aussi la bague à pierre turquoise au pouce, et la ceinture noire traversant le vêtement rouge. L’homme dans une posture très digne, n’est pas représenté sur un fond uni, comme il est normalement de coutume dans les portraits de la Renaissance, mais sur un paysage. La végétation en arrière plan, donne une aération à la toile, une ouverture au regard, exalte la nature en faisant écho à l’oeillet rose.

Le deuxième portrait serait une oeuvre allemande. L’homme aux cheveux blonds et bouclés doit être une personne de haute importance au vue de ses nombreuses bagues et anneaux. Le portrait de cet homme serait le pendant d’un portrait de femme tenant un brin de muguet (convallaria majalis) appartenant à la collection Oscar Reinhart.

On peut voir la forte ressemblance entre le teint de peau, la dorure des bijoux dont le contour est grossièrement accentué, la façon dont les cheveux sont peints, le chapeau, … On a donc le couple muguet/oeillet représentés comme fleurs d’engagement (die Verlobungsblume en allemand).

Il a été notamment dit qu’un oeillet rose montre son engagement tandis qu’un rouge montre son mariage avec droit.

 

Le cas des autoportraits.

Nous avons vu plusieurs portraits, qu’ils soient en buste ou focalisés sur le visage. Qu’en est-il de l’autoportrait ?

On se souvient de ce célèbre autoportrait d’Albrecht Dürer avec son chardon (symbole de fidélité conjugale) mais qu’en est-il de l’oeillet ?

Il existe très peu d’autoportraits avec un élément végétal de manière générale.

À ma connaissance, il n’existe que deux autoportraits à l’oeillet. Le premier est celui de Joos Van Cleve, celui qui a peint la Madone à l’oeillet et à la passiflore.

Le peintre se représente vêtu de noir, à la mode du temps. Son style se rapproche grandement des portraits de Memling que nous avons vu plus haut, avec des vêtements sobres, sombres et austères. Le chapeau que porte Van Cleve est néanmoins typique des Pays-Bas de la Renaissance, et nous avons eu l’occasion de le voir dans de nombreux portraits. Désormais. La couleur noire des habits permet de faire ressortir le contour des mains ainsi que le rose de l’oeillet. Oeillet qui fait référence une fois encore aux portraits nuptiaux.

Il se peint en demi-longueur, le corps légèrement tourné, visage regardant le spectateur. On voit de nouveau un fond neutre ainsi que des bagues dorées sur la main ne portant pas l’oeillet (comme chez Solario ou le portrait flamand du 16e siècle vu plus haut), bref que des canons esthétiques du portrait que nous avons vu avant.

On est en plein art de la Renaissance en somme. Il nous faut revenir une fois de plus sur la signification de cet oeillet chez le peintre d’Anvers. Symbole de passion partagée ? Peut-être. Symbole de la passion ? C’est certain.

Une autre toile de van Cleve le prouve. La Sainte Famille, conservée au musée de l’Ermitage. Alors que l’enfant marche sur des ancolies (symbole de mélancolie, de douleur), la Vierge tient à la main un oeillet dont les fruits sont semblables à des clous, instruments de la Passion (rappelons aussi qu’une espèce d’oeillet se nomme « clou de girofle »).

 

Autoportrait au chardon, 1493
Albrecht Dürer (Nuremberg, 1471-1528), Huile sur parchemin marouflé sur toile, 56 x 44 cm, Paris, Musée du Louvre

 

Toujours au XVIe siècle, un artiste peintre s’inspira de Joos van Cleve afin de composer son autoportrait à l’oeillet, il s’agit de Michael Ostendorfer (1494-1549).

Peintre allemand habitant à Regensburg, il réalisa une célèbre gravure sur le pèlerinage à l’église de la Vierge de Regensburg. En 1536 il devient le peintre de Frederick II. Une inscription au dos de la toile (bien que plus tardive) indiquerait que le peintre s’est représenté en jeune marié (Source : WGA, Web Gallery of Art).

 

Sautons maintenant quelques siècles, quatre pour être plus exact. Nous voici donc dans les années 1900 où Otto Dix peint son fameux autoportrait à l’oeillet. Comme un homme perspicace, observateur attentif, il apparaît dans un réalisme stylisé. Le regard soutenu montre un oeil puissant et critique. En contradiction selon moi avec la douceur naturelle que dégage la fleur et son rose pâle.

 

Autoportrait à l’oeillet
Otto Dix, 1912 Detroit Institute of Arts

Nous pouvons le remarquer, avec le fond neutre et uni (de couleur bleue comme chez Joos Van Cleve), les vêtements sombres, le corps en demi-longueur à moitié tourné, ainsi que la fleur tenue entre le pouce et l’index, nous ne sommes guère loin des portraits de la Renaissance. D’ailleurs un extrait d’une notice du Centre Pompidou à l’occasion de l’exposition d’Otto Dix « D’une guerre à l’autre » confirme ma théorie :

« À ses débuts, entre 1907 et 1919, Otto Dix expérimente une pluralité de styles : impressionnisme, postimpressionnisme, cubo-futurisme, expressionnisme, symbolisme, réalisme classique inspiré d’oeuvres de la Renaissance allemande, dadaïsme enfin. En 1912, il peint notamment deux Autoportrait, l’un furieusement rebelle, en fumeur, dans un style expressionniste ; l’autre sage, à l’oeillet, dans un style déjà emprunté à la Renaissance. Au cours des années suivantes, il s’essaie au futurisme (Autoportrait en Mars, Tête d’homme, Mon amie Ellis), au symbolisme (Nostalgie, Femme enceinte), puis en 1919-1920 au collage dadaïste (Joueurs de cartes, Mutilés de guerre) ».

Par cet autoportrait, Dix s’essaye à un nouveau style de peinture. Ici l’oeillet est donc un ré-emprunt, il ne veut pas signifier je pense une promesse de mariage. Il réactualise les procédés de représentations plus anciens. Néanmoins malgré le symbolisme foisonnant de l’oeillet je pense aussi qu’il faut savoir s’en détacher et voir la fleur « carnée », comme un motif poétique et pictural. À l’image du poète Tennyson cueillant une fleur :

Flower in the crannied wall,
I pluck you out of the crannies,
I hold you here, root and all, in my hand,
Little flower-but if I could understand
What you are, root and all, and all in all,
I should know what God and man is.

Néanmoins on peut toujours s’interroger sur le contexte de ces représentations, à quoi cela peut faire penser dans l’esprit d’un homme de l’époque.

En effet si l’on prend l’exemple de la Renaissance, de nombreux botanistes se faisaient représenter avec une fleur à la main. Notamment dans les gravures des frontispices de leurs traités botaniques. Cela était un peu comme l’attribut de leur profession (comme un compas pour l’architecte, une sphère armillaire pour un astrologue). De ce fait un portrait d’homme à l’oeillet, hormis le symbolisme amoureux ou religieux peut faire penser, par une association d’idée, aux gravures sur les botaniste. Voici quelques exemples.

 

 

Nous avons donc de gauche à droite en partant du haut, John Parkinson auteur du « Theatrum Botanicum » au 17e siècle, puis Rembert Dodoens auteur du traité botanique « Cruydeboeck », puis Mathias de Lobel, pour finir avec John Gerard et Leonhart Fuchs, auteur du « De historia Stirpium ».

 

 

Suite 3ème partie

 

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