C’est la deuxième exposition en cette année 2017 à Paris sur Pissarro. La première est à Marmottan c’est « Pissarro Le premier des Impressionnistes », beaucoup plus globale alors qu’ici c’est « Pissarro à Eragny » décliné de toutes les manières possibles sur cette belle campagne normande.
Actuellement, il serait sans doute judicieux de faire d’Eragny, ce petit village du Vexin, l’équivalent de ce qui a été fait à Giverny pour Monet…
Comment, à 54 ans, Camille Pissarro décida de s’établir définitivement à Éragny sur Epte, en pleine campagne normande, ceci est bien expliqué dans la chronologie ci-dessous, extraite du catalogue de l’exposition. Toujours est-il que c’était l’endroit idéal pour sa peinture, pour lui permettre de peindre « en plein air » avec notamment des paysages d’hiver.
Cela dit, pendant cette période, il continua à voyager et à peindre ailleurs, ce que nous montre l’exposition de Marmottan qui, à ce titre, est bien complémentaire.
Le mieux est peut être de regarder quelques photos d’œuvres exceptionnelles provenant souvent de collections privées. A remarquer la touche impressionniste caractéristique notamment sur le détail de « Bazincourt » :
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Pissarro préparait souvent ses tableaux en dessinant au préalable ses personnages, parce que l’impressionnisme nécessite de les peindre en quelques coups de pinceaux, qui doivent être parfaitement structurés pour ne pas paraître maladroits…
Comme on peut le voir ici, sur une petite feuille encadrée représentant des faucheurs. On remarquera que le dessin ressemble à ceux de Van-Gogh :
Étude d’une scène avec un faucheur – 1900-1901
Stylo et encre de Chine avec lavis gris et crayon à mine Feuille 148 × 113 mm – Ashmolean Museum, University of Oxford, Royaume-Uni – Presented by the Pissarro Family, 1952
Sur un détail de « Après-midi de printemps, temps gris, Éragny », on remarquera la touche des fleurs de pommiers et les arbres du fond, dont la couleur évoque étonnamment la fraîcheur du printemps, d’autant plus mise en valeur que le ciel est gris…
Après-midi de printemps, temps gris, Éragny – 1898 (détail)
Huile sur toile ; 60 × 73 CM – Collection privée
C’est une très belle exposition, centrée essentiellement sur la campagne Normande en toutes saisons et par tous les temps par celui qui fut sans doute le créateur de l’impressionnisme.
Une petite vidéo intéressante :
Pissarro à Eragny : la bande-annonce de l… par Rmn-Grand_Palais
Du 16 mars au 9 juillet 2017
Conclusion de l’exposition :
L’exposition Pissarro à Eragny. La nature retrouvée, ouverte du 16 mars au 9 juillet 2017, a accueilli 155 855 personnes soit en moyenne 1 326 visiteurs par jour (source RMN)
Musée du Luxembourg 19 rue de Vaugirard 75006 Paris
Chronologie (extraits du catalogue)
1884 : Le 1er mars, après avoir visité plusieurs villes au cours des derniers mois, Camille Pissarro annonce à son fils Lucien qu’il s’installe à Éragny-sur-Epte. L’artiste se met aussitôt au travail et peint les prairies entourant sa propriété. Ses premières œuvres d’Éragny seront réalisées durant le printemps et l’été. Le 22 août naît le dernier enfant de Pissarro, Paul-Émile (dit Paulémile). Il est le cinquième fils de l’artiste et le seul né à Éragny. Claude Monet sera son parrain.
1885 : En octobre et novembre, Pissarro envoie de nouvelles toiles à Durand-Ruel. Le 30 novembre, ce dernier lui en achète deux ( La Maison Delafolie à Éragny, soleil couchant, PDR 800, et Meules à Éragny avec paysanne, PDR 810).
1886 : Les préparations pour la huitième et dernière exposition impressionniste s’achèvent au cours de l’hiver. Durant cette période Pissarro connaît des difficultés financières.
1887 : Les lettres que l’artiste écrit à partir de 1887 témoignent du renoncement à l’esthétique impressionniste de plusieurs des membres originaux du groupe fondé en 1874 incluant Monet. L’année 1886 marque non seulement la dissolution du groupe mais explique pourquoi Pissarro se lie à la nouvelle génération de jeunes peintres comme Seurat, qui, inspiré par le style de ses prédécesseurs impressionnistes, avait créé une nouvelle technique : le néo-impressionnisme. Malgré l’aversion de Durand-Ruel pour la technique néo-impressionniste, Pissarro poursuit dans cette voie. Il envoie un tableau à Paris en janvier, Soleil couchant, automne, Éragny (PDR 831), qui est immédiatement acheté par Ernestine Seurat, la mère de l’artiste Georges Seurat. Pissarro rencontre pour la première fois Octave Mirbeau. En octobre, il se met en relation avec le marchand d’art Théodore Van Gogh afin d’améliorer ses ventes.
1888 : Le 18 mars, la galerie Boussod & Valadon lui achète La Cueillette des pommes par l’intermédiaire de
Théodore Van Gogh.
1889 : En janvier, Pissarro présente des tableaux à l’Exposition des XX à Bruxelles.
1890 : Du 25 février au 15 mars, Théodore Van Gogh organise une exposition des œuvres de Pissarro chez Boussod & Valadon. La galerie présente seize tableaux. Début avril, après avoir vendu quelques tableaux à Paris, Pissarro retourne à Éragny. En mai, l’artiste envisage de créer une école d’art à Éragny. Ses fils Lucien et Georges se rendent chez lui en août pour peindre en sa compagnie et il leur exprime ses désirs quant à la fondation d’un mouvement esthétique. Lucien fait des dessins qui seront publiés dans un journal anarchiste, Le Père Peinard, fondé par Émile Pouget.
1891 : Alors que la vision de Pissarro avait commencé à faiblir dès 1878, son infection oculaire atteint un seuil critique durant l’hiver. Il se rend à Paris le 7 janvier pour se faire soigner mais cela l’empêche de travailler en extérieur et même de terminer ses toiles. C’est à cette époque que l’artiste s’habitue à peindre presque exclusivement depuis l’intérieur, de derrière ses fenêtres. Le 1er février, Pissarro annonce à Lucien la mort de Théodore Van Gogh. Le 3 avril, Pissarro, qui avait déjà peint des meules en 1884 et 1885, fait part de son angoisse à Lucien au sujet de l’exposition de Monet, où son ami présente, entre le 4 et 16 mai 1891, une série de quinze tableaux dédiés au même sujet. En octobre, Pissarro fait don de deux œuvres à Mirbeau : un tableau (Gardeuse d’oies assise, PDR 918) et un dessin destiné à sa femme. Son bail prenant bientôt fin, Pissarro envisage de quitter Éragny afin d’être plus proche du milieu artistique. Le propriétaire de la maison, cependant, lui affirme qu’il y effectuera des travaux et le peintre décide d’y demeurer. Fin novembre, par l’entremise de Mirbeau, Pissarro envoie un tableau à Auguste Rodin. Ce dernier lui écrit une lettre émouvante le 29 dans laquelle il s’émerveille de la beauté saisissante du paysage représenté (Soleil couchant avec brume, Éragny, PDR 908). Le peintre lui vendra le tableau pour 500 francs en décembre.
1892 : Du 23 janvier au 20 février, Pissarro expose cinquante tableaux chez Durand-Ruel. Il s’agit de sa première exposition indépendante depuis 1883. Lucien embellit le catalogue avec trois de ses propres gravures. Alors que Camille est à Londres auprès de Lucien, sa femme, Julie, se rend chez Monet et lui demande un prêt de 15 000 francs pour acheter la maison à Éragny. Pissarro est offusqué par cette démarche. Monet accepte de leur accorder cette somme. Camille le remercie et lui offre un tableau en juin (Paysannes plantant des rames, PDR 922) pour finaliser la transaction.
1893 : Paris, le 1er mai : Pissarro écrit à Mirbeau et lui exprime son chagrin d’être séparé de sa famille. Absent d’Éragny pendant de longues périodes, l’artiste éprouve de la nostalgie pour la campagne, car la liberté et l’anarchie que représente la nature lui manque lorsqu’il est en ville. Son dessin Les Débardeurs accompagne l’article d’André Veidaux « Philosophie de l’anarchie », qui paraît dans La Plume, V, n° 97 ce même jour. Durant l’été, la planification et la construction de l’atelier de Pissarro commencent à Éragny.
1894 : Fin janvier, Pissarro écrit à Paul Signac qu’il renonce complètement à la technique néo-impressionniste qu’il avait adoptée en 1886, et ce après la critique de Mirbeau dans L’Écho de Paris le 23. Le 24 juin, le président Sadi Carnot est assassiné à Lyon par un anarchiste italien, Caserio (1873-15 août 1894). En raison de ses convictions anarchistes, Pissarro se réfugie à Bruxelles le 26 juin. Son dessin Le Semeur paraît sur le frontispice d’une édition des Temps nouveaux réalisée par Pierre Kropotkine pour une conférence anarchiste organisée à Londres le 5 mars 1893. La première édition des Travaux des champs est publiée à Londres par The Vale Press. Lucien fonde une maison d’édition, l’Eragny Press, à Epping dans l’Essex, une municipalité proche de Londres. Il surnomme sa maison « Eragny House », d’où l’Eragny Press publiera son premier livre, La Reine des poissons. À la mi-octobre, Pissarro retourne à Éragny. Il couvre Monet d’éloges pour sa série de cathédrales peintes à Rouen.
1895 : Pissarro fait un sacrifice énorme et vend douze toiles à Durand-Ruel pour 10 000 francs. Il est également pressé de régler l’avance que lui a faite Monet, mais cela lui est impossible. Pissarro est à Paris en novembre pour assister à l’exposition de son ami Cézanne à la galerie d’Ambroise Vollard. C’est la première fois depuis 1877 que Cézanne expose des œuvres au public. Le 22 novembre, Pissarro écrit à Lucien; il pense que son influence sur Cézanne a été négligée. « Ce qu’il y a de curieux, c’est, dans cette exposition de Cézanne chez Vollard, la parenté qu’il y a dans certains paysages d’Auvers, Pontoise avec les miens. Parbleu, nous étions toujours ensemble ! »
1896 : Tout au long de ses travaux, Pissarro reste préoccupé par les cathédrales de Monet et y compare ses propres compositions afin de légitimer leurs différences. Le 27 mars, il écrit à Jean Grave, directeur du journal anarchiste Les Temps nouveaux, en vue d’un projet mettant en collaboration plusieurs artistes, notamment lui et son fils Lucien, Maximilien Luce, Théophile Steinlen et Félix Vallotton. Le 8 avril, Pissarro retourne à Éragny et se prépare pour sa rétrospective chez Durand-Ruel, qui commence le 15 du mois. Il expose trente-cinq tableaux incluant quelques vues récentes de Rouen. Pissarro se fait soigner l’œil dans la capitale. La lettre qu’il écrit à sa fille Jeanne le 4 juillet suggère que son infection s’est enflammée après qu’il a travaillé dans le pré à Éragny.
1897 : Après son séjour à Rouen, Pissarro revient à Paris et peint six vues de la gare Saint-Lazare et de la place du Havre depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel. Durand-Ruel lui achètera ses toiles en mai. Le 7 mai, il envoie une note hâtive à son marchand l’informant de son départ immédiat pour Londres. Âgé de 34 ans, Lucien souffre d’une attaque d’apoplexie. Pissarro reste jusqu’à fin juillet avec son fils, pendant toute la période critique de son rétablissement. Pissarro profite de son séjour à Londres pour peindre quelques vues de Bedford Park et de Bath Road. La famille est frappée par une autre tragédie le 25 novembre : la mort de Félix Pissarro, âgé de 23 ans seulement. Voulant sûrement s’éloigner de la tristesse régnant à Éragny à la suite de ce deuil, Pissarro décide de s’installer à Paris pour peindre durant les mois d’hiver.
1898 : En janvier, Pissarro s’installe à l’hôtel du Louvre à Paris et commence à peindre quelques toiles. Le décès de Félix et l’article de Mirbeau qui s’ensuivit poussent les deux amis à rétablir leurs liens.
1899 : Début janvier, Pissarro s’installe au 204, rue de Rivoli. Selon la correspondance de Pissarro, son épouse emportait généralement des provisions d’Éragny lors de ses allers et retours de la campagne à la ville, afin de s’assurer que son mari était bien nourri. À la mi-juin, Pissarro retourne à Éragny et y reste jusqu’à fin août. L’Eragny Press publie Deux contes de ma mère l’Oye (La Belle au bois dormant et Le Petit Chaperon rouge) de Charles Perrault. Le 17 août, il écrit à son fils Georges en lui déclarant que son amour pour les jardins à Éragny s’est ravivé après avoir peint ceux de Paris durant l’hiver. De début septembre à la mi-octobre, le peintre s’installe à Varengeville. Le 11 octobre, il expédie huit tableaux à Durand-Ruel. Avec ses maisons nichées parmi les arbres presque nus, les compositions de Pissarro rappellent les motifs peints à Éragny durant l’été. Enthousiasmé par son séjour à Varengeville, l’artiste continue ses travaux à Éragny.
1900 : En octobre, Pissarro et Lucien travaillent sur les Travaux des champs, planifiant les catégories avec l’aide de l’abbé Benjamin Guinaudeau. Pissarro modèle plusieurs sujets d’après ses propres tableaux et fournit à Lucien tous les dessins nécessaires à leur projet de livre. Père et fils continueront leur révision des dessins jusqu’à la nouvelle année.
1901 : Paris, le 14 janvier : Pissarro expose quarante-deux tableaux chez Durand-Ruel. Cette exposition lui vaut les éloges de son ami Émile Verhaeren dans le Mercure de France. Dans son article, Verhaeren insiste sur le fait que les vues d’Éragny sont les plus captivantes de toutes celles peintes par Pissarro.
1902 : En vieillissant, Pissarro travaille de plus en plus pour assurer le bien-être financier de sa famille. Il peint vingt-six tableaux de derrière les fenêtres de son appartement de la place Dauphine, un nombre supérieur à celui de l’année précédente. Du 20 au 28 février, et conjointement avec Monet, Pissarro expose treize tableaux chez Bernheim-Jeune à Paris, dont deux que l’amateur avait achetés en avril et novembre 1901 (Statue d’Henri IV, début de printemps, PDR 1361, et La Foire autour de l’église Saint-Jacques, Dieppe, matin, soleil). Le 3 octobre, il fait part à Lucien du décès d’Émile Zola à la suite d’une intoxication au monoxyde de carbone due à la mauvaise ventilation de la cheminée de la demeure de l’écrivain. Ce type d’accident était commun à l’époque et un dessin de Pissarro, intitulé « L’Asphyxie », faisait d’ailleurs partie des Turpitudes sociales parues en 1889. À la mi-novembre, Pissarro retourne à Paris et s’installe au 28, place Dauphine.
1903 : Du 13 novembre 1902 au 29 mai 1903, Pissarro peint vingt-sept tableaux. Ce séjour parisien constitue l’un des plus féconds de sa carrière. La situation financière de Pissarro empire en 1903. Début juillet, il prend une chambre à l’hôtel Continental au Havre d’où il peindra vingt-quatre tableaux. Après plusieurs années à Londres, l’idée de retourner à Éragny titille Lucien. Il écrit à son père début juillet et lui exprime son désir de peindre avec lui. Aucune des dernières toiles peintes par Pissarro au Havre ne sera exposée avant son décès.
Il a seulement pu vendre ou faire don de six tableaux à des amateurs, à des amis ainsi qu’au musée local.
Les dix-huit derniers seront légués aux membres de sa famille. Du Havre, le 24 septembre, Pissarro écrit une de ses dernières lettres à Julie. En dépit de tous ses ennuis, il voulait offrir un peu d’espoir à son épouse, et l’informe qu’un amateur sérieux s’intéresse à un tableau estimé à 4 000 francs. Julie conservera cette lettre jusqu’à sa mort, en 1926. Paris, fin septembre : l’artiste peint son dernier tableau dans sa chambre, place Dauphine. Georges le rejoint et, sous la tutelle de son père, fait une copie de son Autoportrait au chapeau (PDR 1528). Pissarro a ainsi pu réaliser, du moins en partie, son désir de peindre avec ses fils. Le 10 octobre, Pissarro, dont l’état de santé s’est beaucoup détérioré, sera emmené à l’hôtel Garnier, au 111, rue de Saint-Lazare, où il restera alité. Puis il sera transporté le 27 octobre dans un appartement qu’il avait acquis au 1, boulevard Morland. Lorsque Lucien rejoindra sa famille à Paris le 11 novembre, l’infection de son père s’était déjà propagée. Âgé de 73 ans, Pissarro meurt à Paris le 13 novembre. Il sera enterré au cimetière du Père- Lachaise avec d’autres membres de sa famille, et y sera rejoint par son épouse, Julie, en 1926.