Très belle exposition qui vous fera voyager à travers Venise au XVIIIème siècle par l’intermédiaire des peintres Canaletto et Guardi et quelques autres encore dont Bellotto le neveu de Canaletto qui l’aidera souvent dans son travail d’atelier.
Canaletto disposait d’un « bateau-atelier » qui lui permettait de se déplacer aisément à Venise, sans crainte d’être trop dérangé, tout en choisissant des points de vue originaux. D’autant plus qu’il disposait d’instruments délicats, telle la « camera obscura ». Il dessinait vraisemblablement de nombreux croquis et peintures avant de se lancer dans le travail de la toile en atelier.
Le védutisme
Un mot qui circule tout au long de cette exposition est celui de « védutiste ».
Canaletto et Guardi sont, en effet, des « védutistes », c’est à dire qu’ils pratiquent l’art de dessiner et peindre la ville et, en l’occurrence, bien sûr, Venise (veduta vient de l’italien et signifie « vue »).
En fait « l’art de peindre la ville » viendrait plus du XVIIème siècle. Dans un sens, la « Vue de Delft » de Vermeer en 1660 aux Pays-Bas est aussi du védutisme, même si l’on nous dit ici que « c’est avec Gaspar van Wittel (1652/3-1736), qui découvre Venise à la fin du XVIIe siècle, que naît le genre de la veduta ».
Canaletto et Guardi se ressemblent dans leur manière de peindre la ville. Canaletto est né en 1697 et Guardi en 1712. Près de 16 ans les séparent donc.
Ils se ressemblent ,entre autre, par le nombre de personnages qui viennent animer les paysages. C’est est parfois vertigineux ! On peut voir par exemple en bas à droite du Canaletto « L’Entrée du Grand Canal, avec Santa Maria » de 1722, quatre personnages (il s’agit probablement de personnages de haut rang, deux évêques et deux juges dirait-on !) en grande discussion (voir le détail en logo de l’article) :
L’exposition est assez centrée autour d’une comparaison entre les deux peintres, comme son intitulé l’indique d’ailleurs.
Comparaisons
Ainsi, « Le Campo Santi Giovanni e Paolo » peint par Canaletto est il placé à côté du même peint par Guardi (avant de donner son opinion n’oublions pas que ce dernier a été peint 27 ans après, ce qui peut déjà modifier certaines choses, comme la propreté, le vieillissement et la position des pierres, etc.). Voici ces deux tableaux :
Canaletto invente l’art de « voir dans les coins » !
Sur la toile de Canaletto représentant « Le Campo Santi Giovanni e Paolo », on ne peut qu’être étonné. En effet, Canaletto connaissait parfaitement la perspective et pourtant, sur le plan purement technique, il semble bien avoir commis là une erreur, bien que tout semble parfaitement équilibré et bien à sa place ! Il peut y avoir deux explications. La première, c’est que son bateau-atelier s’est déplacé lentement vers la droite et qu’ainsi, il ne voyait plus les choses sous le même angle !
La deuxième serait qu’il préférait prendre des libertés avec la perspective, non pas en la bâclant, mais au contraire en la travaillant de manière rigoureuse de façon à ce que les choses paraissent plus belles et surtout que le maximum d’éléments soient visibles. C’est évidemment la deuxième qui me semble plausible.
D’abord, il a fait la façade de Santi Giovanni e Paolo comme s’il était bien en face. Mais s’il avait été bien en face, on n’aurait pu voir les murs de côté en encore moins la petite rue parallèle.
On le voit avec les lignes de fuite :
Y-aurait-il là une influence de sa formation de décorateur de théâtre (il faut que le spectateur voit non pas d’un point fixe, mais un peu comme s’il était « face à l’ensemble » du décor) ?
Mais ce qui est encore plus curieux chez Canaletto, c’est que le porche de l’église est bien vu légèrement sur le côté et non de face ! Ce qui en fait une église « tordue » sans que personne ne puis s’en rendre vraiment compte !
Guardi, avec le même sujet, est beaucoup plus dans le réalisme de la perspective classique :
La différence saute aux yeux avec la ligne A, juste chez Guardi et « travaillée » chez Canaletto. Celle-ci doit en effet rejoindre la ligne d’horizon.
Pour finir, je signalerai un Guardi assez étrange par le mélange qu’il fait, presque violent, entre les tons chauds et les tons froids et qui manque d’harmonie à ce sujet.
Un « caprice » du neveu
Nous verrons ensuite quelques « caprices » qui sont des paysages purement imaginaires, à la mode à cette époque, généralement des ruines dans des « morceaux » de campagne. En voici un de Bellotto, le « neveu » censé représenter une Venise imaginaire :
Une exposition agréable, une réussite, à voir au Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann 75008 Paris
Tél. : 01 45 62 11 59
14 septembre 2012 – 21 janvier 2013