Edward Hopper au Grand-Palais

Une excellente et riche exposition sur le peintre américain Edward Hopper présentant 164 oeuvres dont 128 d’Edward Hopper.

Edward Hopper au Grand-Palais

Le seul problème est qu’il y a beaucoup de monde, ce qui n’est évidemment pas un problème pour la RMN. J’y suis allé un vendredi matin et il fallait compter environ une bonne  heure d’attente. Renseignements pris, l’après-midi c’est pire et le week-end c’est encore pire !

On retrouve donc cette foule dans l’exposition même, où la scénographie a créé une sorte de goulot d’étranglement ! Heureusement ça s’arrange par la suite en s’élargissant…

Tout commence par la projection  d’un film muet en noir et blanc datant de 1921  sur grand écran : « Manhatta de Charles Cheeler et Paul Strand » (un peintre et un photographe). Il faut prendre le temps de le regarder. C’est l’ambiance sombre de Manhattan en 1921, quelque chose de pathétique, la pauvreté côtoyant le richesse… Le noir et blanc et les vues plongeantes rappellent les gravures de Hopper. Hopper passionné de photo et de cinéma. On pourra voir ici également des photos d’Atget, entre autres.

Edward Hopper est né en 1882 dans une famille assez aisée et a étudié très tôt le dessin et la peinture. Il a suivi l’enseignement de Robert Henri qui a aussi formé John Sloan et George Bellows dont quelques tableaux sont exposés ici. D’autres grands peintres américains comme Thomas Eakins sont également présents.

Il n’y a d’ailleurs pas que des américains, mais aussi des français, tels Pissarro, Degas, Marquet, Vallotton.

Mais comme il ne vendait rien, il se mit à l’illustration, sans états d’âme, dessinant des couvertures de magazines et de livres.

Plusieurs voyages en France entre 1906 et 1910 le rapprochèrent sans doute de l’impressionnisme.

Puis, il fit de la gravure entre  1915-1928. Et il devint le Hopper qu’on connait. Je ne sais pas s’il y a vraiment un rapport de cause à effet comme le disent certains, toujours est-il que c’est à ce moment là qu’il trouve le « style Hopper », assez obsédé par l’architecture et comment elle prend place dans le monde, au détriment des gens, qui ont moins d’importance (graphiquement).

 

Hopper, peintre de l’ennui et de la banalité du quotidien  ?

Plusieurs toiles sont assez emblématiques de cet ennui, à part celles présentant des maisons ou des paysages  (et encore…).

Une toile assez amusante intitulée sobrement « Gas » (essence) montre un alignement de trois pompes avec un individu cravaté et en gilet qui pourrait difficilement être un pompiste… C’est le quotidien, profondément banal. Il ne se passe rien.

 

Edward Hopper – Gas
1940 Huile sur toile, 66,7 x 102,2 cm – New York, The Museum of Modern Art
Mrs. Simon Guggenheim Fund, 1943 © 2012. Digital image, The Museum of Modern Art, New-York/Scala, Florence

 

Que dit Joséphine d’Edward  ?

Il épousera Joséphine Nivison en 1924.  Il a 41 ans et elle 40.

 

Edward Hopper Hotel Room 1931
Huile sur toile, 152,4 x 165,7 cm Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza
© Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid

Sa femme, qui a sacrifié sa carrière de peintre pour lui (c’est du moins ce qu’elle dit) , le décrit comme quelqu’un de dépressif, perpétuellement mélancolique et muré dans son silence… On ne peut pas dire qu’ils s’entendent bien, ils passent leur temps à s’entredéchirer. Mais ils restent ensemble. Elle est son sujet de prédilection, comme Monet avec ses nymphéas… Elle exige d’ailleurs qu’il ne peigne pas d’autre femme qu’elle !

Il faut se méfier de ce qu’il lui a dit et surtout ce qu’elle en a rapporté.  Par exemple pour « Chambre d’hôtel » ci-dessus, tout le monde fait un parallèle avec « Bethsabée au bain tenant la lettre de David » de Rembrandt parce que c’est Josephine elle même qui aurait raconté ce que lui aurait dit Edward, il est très probable qu’il se soit un peu moqué d’elle… Surtout quand il lui a dit que le livre qu’elle tenait était l’annuaire des chemins de fer !

A noter la masse noire et rectangulaire en arrière plan. Ne dirait-on pas un écran plat de télé ? En 1934 ! On pourrait presque dire que Hopper était un visionnaire !

 

Le silence dans le couple

Évidemment,  le tableau ci-dessous est également très emblématique de « la solitude à deux ». Il est intitulé « Room in New York ». l’homme lit son journal, la femme lui tourne le dos jouant du piano avec un doigt, faute de mieux. On pourrait presque entendre les notes, égrenées de façon sinistre.

Edward Hopper – Room in New York
1932 -Huile sur toile, 74,4 x 93 cm – Sheldon Museum of Art, University of Nebraska – Lincoln, UNL-F.M. Hall Collection
© Sheldon Museum of Art

Les visages sont à peine ébauchés, ils n’ont pas d’importance, ça pourrait être n’importe qui.

Certains ont dit que c’est parce qu’il ne savait pas peindre ou parce qu’il peignait mal (!). C’est évidemment totalement faux. On peut le voir dans son autoportrait par exemple (et dans bien d’autres oeuvres) :

Edward Hopper – Self-Portrait, 1925-1930
Huile sur toile, 64,1 x 52,4 cm – New York, Whitney Museum of American Art (70.1165)
Legs de Josephine N. Hopper

 

Le plan technique

Sur le plan technique, Hopper a démarré avec un mélange d’impressionnisme (dû sans doute à ses séjours en France) et de figuratif plus américain avant d’arriver à une technique faite de grands aplats et de couleurs pures et crues, pour laquelle il est connu,  avec une géométrie omniprésente.

Il aimait aussi peindre les belles maisons victoriennes de la Nouvelle Angleterre et on peut le voir dans la toile ci-dessous :

Edward Hopper – Hodgkin’s House, Cape Ann, Massachusetts, 1928
Huile sur toile, 71,1 x 91,4 cm – Collection particulière

 

Aquarelle et gravure

On verra aussi à cette exposition de nombreuses gravures et aquarelles, comme celles ci-dessous (il n’avait pas encore trouvé le « style Hopper ») :

Edward Hopper – Couple Drinking -1906-1907
Aquarelle, 34,3 x 50,5 cm – New York, Whitney Museum of American Art,
Josephine N. Hopper Bequest © Heirs of Josephine N. Hopper, licensed by the – Whitney Museum of American Art

 

Et là une gravure, avec, pour quelqu’un qui ne sait pas dessiner, un sens de la perspective assez rare !

Edward Hopper – -Night Shadows – 1921
Gravure, 17,5 x 21 cm – Philadelphia Museum of Art : Purchased with the
Thomas Skelton Harrison Fund, 1962 – © Philadelphia museum of art

 

L’exposition se termine avec un petit tableau (son dernier en 1966, il est décédé en 1967 et sa femme en 1968), représentant deux comédiens (sa femme et lui) qui, semble-t-il vont quitter la scène :


Edward Hopper – Two Comedians, 1966
Huile sur toile, 78,1 x 106 cm – Collection particulière

 

La conclusion, c’est qu’il faut bien entendu remercier les organisateurs pour cette remarquable exposition et qu’il faut absolument y aller !

Il y a en effet ici des toiles de Hopper provenant du monde entier, de musées et même de collections particulières qu’on n’aura plus guère l’occasion de revoir toutes réunies.

 

Vernissage : du beau monde (regardez bien, c’est people !)  :


Edward Hopper, le vernissage par Rmn-Grand_Palais

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