Girodet (1767-1824) était tombé dans l’oubli (il ne figure même pas dans beaucoup de dictionnaires de la peinture !). C’est le mérite de cette belle exposition que de le remettre en lumière.
Son oeuvre semble indissociable de sa vie et l’exposition proposée par le Musée du Louvre en 2005 nous permet de mieux la cerner. Plus de cent oeuvres y sont présentées.
Les débuts
Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson est né à Montargis le 29 janvier 1767. Son père meurt en 1784 et sa mère en 1787. Il dessinait, dit-on, dès l’âge de 6 ans et sa mère l’aurait présenté au peintre David qui, séduit par le talent du jeune Anne-Louis, le fait entrer à son atelier en 1784.
Le Prix de Rome
Le Prix de Rome accordait pour 4 ans une bourse de pensionnaire du Roi à l’Académie de France au Palais Mancini à Rome. En 1786, Girodet s’y présente. Les conditions sont difficiles : les candidats , enfermés pendant 72 jours dans une « loge » doivent réaliser un tableau tiré de l’histoire antique ou biblique. Il échoue.
En 1787, il se présente à nouveau, mais est mis hors concours pour fraude (dénoncé par son « ami » le peintre Fabre qui l’emporta à sa place !) car il avait apporté des dessins dans le local destiné à la réalisation de l’oeuvre…
En 1788, il obtient le second prix et en 1789, il obtient enfin le Prix de Rome pour « Joseph reconnu par ses frères ».

Mais Girodet connaît la célébrité avec le « sommeil d’Endymion » personnage de la mythologie grecque, berger au sommeil éternel, endormi par Séléné pour qu’il garde sa beauté…

Le 13 Janvier 1793, la population romaine met à sac le palais Mancini et Girodet est obligé de se réfugier à Naples où il reste 16 mois, seul, sans argent et malade (il a attrapé la syphilis). Pendant cet exil, il se consacre alors presque uniquement au paysage. Nous verrons dans l’exposition deux petites peintures de paysage faisant penser à Corot.
L’autoportrait
Un magnifique autoportrait de Girodet (peint pour son ami le peintre Gros qui passait par l’Italie avec Bonaparte !) figure en bonne place dans cette exposition, permettant de voir l’expression de son talent et sa sensibilité, sa maîtrise du dessin et de la couleur.

Ossian
Un jeune écossais, James Mcpherson, prétendait avoir retrouvé les textes originaux du barde Ossian datant du IIIème siècle de notre ère, en Irlande, qu’il aurait traduit du Gaélique. En fait l’oeuvre a été totalement inventée à partir de ballades et de légendes celtiques orales. Les poèmes attribués à Ossian par Macpherson étaient alors très à la mode dans toute l’Europe préromantique.
La Malmaison acquiert en 1801 le tableau de Girodet intitulé « L’Apothéose des héros français morts pour la Patrie pendant la guerre de la Liberté », dans lequel figure le barde Ossian et d’autres personnages morts et dont les âmes se matérialisent plus ou moins, ce qui permet à Girodet de jouer sur des effets de transparence, de voiles, de réverbérations, de halos, de diaphanéité.

Scandale autour de Mademoiselle Lange
Mademoiselle Lange, actrice du Théâtre Français et mariée récemment à un banquier, commande son portrait à Girodet qui l’expose au Salon de 1799. Ce portrait ne lui plaît pas et elle écrit à Girodet « Veuillez, Monsieur, me rendre le service de retirer de l’exposition le portrait qui, dit-on, ne peut rien pour votre gloire et qui compromettrait ma réputation de beauté. » . Girodet, furieux, lacère son tableau et en fait un autre « la moderne Danaé » dans lequel on peut reconnaître Mademoiselle Lange en « Danaé », un dindon représentant son mari… La tête de son amant, à ses pieds, ayant les yeux obstrués par des pièces d’or qui tombent en pluie !

Portraits privés
Le Docteur Trioson qui a toujours été pour lui un confident et un second père, l’adoptera en 1809 et en fera son légataire universel. Il héritera à son décès en 1815. Il y a d’ailleurs dans cette exposition un très beau portrait du Docteur Trioson, intitulé « Portrait du Docteur Trioson en redingote blanche »
La clientèle d’Anne-Louis Girodet se recrutait essentiellement parmi ses amis et relations. On connaît le très célèbre portrait de Chateaubriand, dont Napoléon aurait dit « on dirait un voleur sorti par la cheminée… » (Chateaubriand était alors en disgrâce…).

Portraits d’Orientaux
Girodet a fait de nombreux portraits d’orientaux dont nous pouvons découvrir certains dans cette exposition, impressionnants de réalisme.
Beaucoup d’esquisses ont été faites pour réaliser la célèbre toile commandée par Napoléon sur la « révolte du Caire » que nous pourrons voir à l’entrée de l’exposition.

Peinture et poésie
Girodet écrit des poèmes (Le Peintre, les Veillées) d’un style assez classique (on dit de lui qu’il est meilleur peintre que poëte…), il se consacre aussi à l’illustration de certaines tragédies de Racine et à la traduction des poètes antiques, tel Virgile.
Personnage complexe, Anne-Louis Girodet, s’est toujours fondu dans son époque. Né sous Louis XV, il était patriote à la révolution, puis Bonapartiste sous Bonaparte, moins enthousiaste pour l’Empire (mais il travaille quand même pour Napoléon) et enfin un retour au royalisme avec la Restauration.
Il faut absolument aller voir cette belle exposition qui se tient jusqu’au 2 Janvier 2006 au Musée du Louvre à Paris.