Remarquable exposition qu’il nous est donnée de voir à la Vieille Charité à Marseille. Les provinciaux sauront apprécier qu’une exposition majeure arrive chez eux.
Les salles consécutives présentent une chronologie de Delacroix à Matisse où se côtoient sans heurt Vernet, Chassériau, Fromentin, Ingres, Gérôme, Girodet, mais aussi Fischer, Lewis, Alma-Tameda, Müller, Portaels, Sorolla, Simoni, bref, toute l’Europe des orientalistes du 19ème siècle, sans oublier les modernes : Renoir, Matisse, Kandinsky, Klee, Macke…
Ce qui frappe dans l’ensemble, c’est le fantasme, même s’il est tout en retenu chez les modernes.
Pourtant, les peintres faisaient le déplacement dans un souci d’exactitude et pour recueillir une certaine vérité, une certaine forme d’ethnographie. Cependant les milieux orientaux restaient assez fermés, obligeant les peintres à une extrapolation, ce qui semblait leur convenir parfaitement !
On voit par exemple une étonnante orientale peinte par Lewis, avec un teint de lait et la grâce des belles aristocrates fréquentant les salons britanniques.
Quelques scènes de vie comme « Une rue de l’oasis de Chetma » peinte par Bompart semblent se rapprocher d’une certaine vérité.
La peinture d’Histoire est inévitablement représentée grâce à la campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte, elle-même ayant participé à l’engouement pour l’Orientalisme. Elle n’échappe pas à une coloration propagandiste (Guérin, Gros).
Beaucoup de chefs-d’oeuvre, mais quelques déceptions aussi : Ingres sans doute mal éclairé qui donne à voir des chairs d’une pâleur morbide, un marocain « simpliste » de Levy-Dhurmer.
Dans les bonnes surprises : les bustes expressifs et fins de Cordier, une statuette de Théodore Rivière ,« Salambô », en bronze, ivoire,or et turquoise, un curieux Paul Klee à l’huile et à l’aquarelle sur gaze enduite et marouflée sur carton : « Ville arabe ».
Agréable aussi la découverte du seul peintre orientaliste d’Orient, le turc Osman Hamdi Bey (voir le tableau : « Vieil homme devant des tombeaux d’enfants »).
Enfin, cette aquarelle exceptionnelle et son cadre fantastique : « Beauté de Tanger » de José Tapiro qui a dû laisser pensifs plus d’un aquarelliste !
En conclusion, c’est une exposition à voir absolument pour ses maîtres mais aussi pour ses orientalistes moins connus, et pour la vision d’ensemble du phénomène (il ne s’agit pas d’un mouvement, il traverse les catégories picturales du siècle) couvrant l’Europe.
Muriel Marhic, artiste-peintre
L’avis de quelques visiteurs :
Salle 1 :
Leurs préférés :
Le Temple de Carnac par Korner
Les tableaux de campagne
Tardieu-Guérin, Joseph contremaître des greniers de Alma-Tadema :
Les moins aimés :
Esquisse de chasse aux lions de Delacroix
Portrait de Mustapha de Girodet
Cléopâtre (fragment) de Chassériau
Salle 2 :
Les plus :
Simoun soufflant devant le Sphinx de Fischer
Porte du sérail de Lecomte de Nouy
Les moins :
Tête de la grande odalisque d’Ingres
Vue de la plaine de Tèbes de Gérôme
Salle 3 :
Les plus :
Mur des lamentations de Bauerfeind
Les moins :
Marocain de Levy Dhurmer (voir ci-dessus)
Salle 4 :
Les plus :
Rue de l’oasis de Chetma de Bompart
Femme fellah puisant de l’eau de Gérôme
Barbier nègre à Suez de Bonnat
Les moins :
Marche sur une plage marocaine de Brangwyn
Porte de la mosquée de Yeni-Djami à Constantinople de Pasini
Salle 5 :
Les plus :
Entrée au village de Rousseau
Troupes d’esclaves défilant près des portes de la ville de Sorolla y Batista
Les moins :
Les Matisse