Marc Chagall, Un peintre à la fenêtre, à Nice

au Musée national Marc Chagall à Nice du 26 juin au 13 octobre 2008

Chagall

Chagall

A l’occasion de vacances ou de déplacement à Nice, allez visiter l’exposition « Marc Chagall, un peintre à la fenêtre » qui se tient, jusqu’au 13 octobre 2008, au musée Marc Chagall.

La fenêtre joue en effet un grand rôle dans l’œuvre de Chagall.

Voici un extrait d’un texte intéressant (« Chagall, fenêtres sur l’oeuvre » d’Elisabeth Pacoud-Rème, Commissaire, chargée d’études documentaires, chargée des collections au musée national Marc Chagall).

Les fenêtres de l’intime

« (…) Les intérieurs et portraits dans un intérieur, ces « fenêtres de l’intime », qui jalonnent toute la carrière de l’artiste, sont la marque d’une approche, d’un mode d’expérimentation du monde, qui à la fois protège et permet de se tourner vers l’autre avec un regard distancé. Les premières œuvres, exercices pour l’artiste débutant, regroupent un très grand nombre de dessins mettant en scène ses proches dans la maison familiale. Le choix des sujets, portraits à la fenêtre et intérieurs à la fenêtre, est d’abord contraint : Chagall fait avec ce (et ceux) qu’il a sous la main. Mais pas seulement. Chagall choisit très tôt d’être à l’intérieur et de voir par la fenêtre.

Elle est « le lieu où le sujet, enfin seul, va pouvoir se lier aux autres, gagner le monde ». Les premiers travaux d’artistes sont donc aussi ceux qui permettent à Chagall de prendre la distance nécessaire à sa liberté et tout d’abord avec les parents. (…) A son retour en Russie, en 1914, Chagall reprend son observation, sorte de réappropriation distancée de son monde familial, juif et russe, à travers une série de portraits qui forme un groupe caractérisé par une dimension descriptive et décorative où la fenêtre joue toujours le rôle primordial.

(…) on voit mais on peut aussi être vu. On retrouve là l’effet de mise en abyme signalé plus haut.

(…)La contribution de Chagall à la modernité passe aussi par les oppositions métaphoriques du rêve et de la réalité caractéristiques de toute une partie de sa production. Cet aspect de son œuvre l’a fait reconnaître comme un précurseur par les surréalistes qui cependant échoueront à l’enrôler dans leur mouvement.

(…) L’artiste semble avoir deux objectifs : montrer tout d’abord ce qu’il a appris à Paris, la valorisation de la lumière, plus claire que dans le premier tableau. Garder ensuite un relevé le plus proche possible de la réalité de cette fenêtre et du paysage qu’on y voit. La démarche nostalgique est ici à l’oeuvre et le retour à la maison familiale entraîne chez Chagall un renouveau du classicisme de la forme.

Classicisme et modernité

Cependant, ce classicisme, visible aussi dans Vue de la fenêtre à Zaolchie, 1915, n’est pas incompatible avec des notations plus marquées par le contact parisien avec la modernité. On y retrouve en effet le même souci de précision et de réalisme dans le traitement de la nature morte devant la fenêtre et du paysage comme dans la représentation des personnages, en 14 particulier dans l’autoportrait de l’artiste, avec sa chemise à rayures et sa cravate. La stricte limitation des bords de la fenêtre avec ceux du tableau inscrit également l’œuvre dans une tradition réaliste de la représentation. Mais la superposition peu naturelle des deux portraits (celui de sa femme et un autoportrait) introduit un élément d’incohérence dont la signification métaphorique pourrait être : je n’ai qu’elle en tête. (…)

(…) Bella et Ida à la fenêtre, 1916, est une représentation traditionnelle de l’intime, tendre moment entre la mère et l’enfant mis en valeur par la lumière qui tombe de la fenêtre. À travers celle-ci, le paysage situe la scène dans une campagne ensoleillée.

Mais la vue de cette campagne, le bouquet sur l’appui de la fenêtre, la mère et l’enfant sont aussi une allusion à la continuité de la Création divine : les rideaux ouverts soulignent cette continuité. Le ciel en haut de la fenêtre forme une tache blanche qui attire le regard : la lumière divine qui descend sur la scène la transforme bien en une maternité, avec tout le sacré véhiculé par les représentations de ce motif à travers l’histoire de l’art. (…)

Fenêtre et autoportraits

La fenêtre apparaît enfin comme un élément déterminant par son rôle, bien au-delà du décoratif, dans un autre registre de l’œuvre de Chagall, l’autoportrait. Le nombre des autoportraits est encore un trait déterminant de son oeuvre. Deux autoportraits précoces, L’Autoportrait aux sept doigts (Amsterdam, Stedelijk Museum, 1912-1913) et L’Autoportrait en vert renforcent cette orientation dans un discours particulièrement allégorique : Chagall s’y présente en peintre au chevalet, dans son atelier, muni de ses instruments de travail, palette et pinceaux.

Il met en scène le processus de création en cours puisque, à chaque fois, un tableau est posé sur le chevalet devant lui, tout à fait reconnaissable dans L’Autoportrait aux sept doigts (il s’agit d’À la Russie, aux ânes et aux autres, musée national d’Art moderne – Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, de la même année).(…)

Dans L’Autoportrait en vert, il ébauche à la fenêtre un paysage, arbres et fleurs, qui sont présentes également dans la coupe posée sur la table et peintes sur le tableau du chevalet, mise en abyme autour de l’illusion et de la réalité, là où se situe le travail du peintre […] ».

Biographie de Marc Chagall

1887 Naissance le 7 juillet à Vitebsk (Biélorussie) de Marc Chagall

1906 Premier apprentissage de la peinture chez Pen à Vitebsk

1907-09 Séjour à Saint-Petersbourg. Il travaille dans l’atelier de Léon Bakst, à l’Ecole Zvantseva

1910-14 Le mécène Vinaver lui offre une bourse de travail pour Paris. Premier séjour parisien. Il s’installe à La Ruche. Rencontre de Robert et Sonia Delaunay, Max Jacob, André Salmon et Blaise Cendrars. Premiers chefs-d’oeuvre salués par Guillaume Apollinaire

1913-14 Expose au Salon des Indépendants

1914 Première exposition particulière à Berlin à la galerie Der Sturm

1914-15 La Guerre. Chagall retourne à Vitebsk et épouse Bella Rosenfeld. Expose au Salon de Moscou

1916-18 Naissance de sa fille Ida. Il est nommé directeur d’une école des Beaux-Arts et commissaire des Beaux-Arts de la région de Vitebsk

1919 Opposition avec les futuristes à l’école des Beaux-Arts de Vitebsk. En mai 1920, Chagall quitte définitivement Vitebsk pour Moscou

1920-23 Réalisation du décor du théâtre juif Kamerny. Puis quitte définitivement la Russie pour Berlin

1923 Premières gravures illustrant le récit autobiographique Ma Vie. Quitte Berlin pour Paris

1924-25 A Paris, Vollard lui commande l’illustration des Ames Mortes de Gogol

1926 Toujours à la demande de Vollard, illustration des Fables de La Fontaine. Première exposition à New York

1927-30 Vollard lui commande l’illustration de la Bible

1931 Séjour en Palestine. Gouaches préparatoires au travail de gravure de la Bible

1932-36 Voyages en Hollande, Italie, Angleterre, Espagne et Pologne. A Mannheim, les Nazis font un autodafé d’oeuvres de Chagall

1937 Chagall obtient la nationalité française

1939 A la déclaration de guerre, Chagall se replie à Gordes, en Provence

1941 La persécution nazie contre les Juifs l’oblige à quitter l’Europe. Il retrouve à New York écrivains et artistes réfugiés : Léger, Bernanos, Masson, Maritain, Mondrian et André Breton

1942-44 Décors et costumes du ballet Aleko de Tchaïkovski. Série de tableaux inspirés par la guerre

1944 Mort de son épouse, Bella

1945-46 Décors et costumes de L’Oiseau de Feu de Stravinsky. Premières lithographies en couleur pour Les Mille et une Nuits. Première grande rétrospective au Museum of Modern Art de New York. Rencontre avec Virginia Haggarth

1947 Expositions rétrospectives en Europe, à Paris, Amsterdam, Londres, Zurich, et Berne

1948 Retour définitif en France. Premier prix de gravure à la Biennale de Venise

1949-52 Installation définitive à Vence. Epouse Valentina Brodsky en 1952. Aimé Maeght devient son marchand en France. Début de l’oeuvre céramique

1953 Voyages et expositions à Turin, Bâle, Vienne, Rome. Commence le cycle du Message Biblique, vitraux et céramique murale de la Chapelle Notre-Dame de Toute Grâce à Assy

1958 Premiers travaux pour le vitrail. Décors et costumes pour Daphnis et Chloé

1959-66 Tableaux bibliques et vitraux pour la cathédrale de Metz, Jérusalem et le bâtiment de l’ONU à New York. Plafond de l’Opéra de Paris. Peintures murales pour le Metropolitan Opera de New York. Développement de l’oeuvre lithographique

1966-67 Quitte Vence pour Saint-Paul. Donation à l’Etat des 17 tableaux du Message Biblique. Réalisation de vitraux, tapisseries et mosaïques, illustrations en gravures et lithographies

1969-70 Rétrospective Hommage à Chagall au Grand Palais à Paris. Rétrospective de l’oeuvre gravé à la Bibliothèque Nationale à Paris. Vitraux de l’église du Fraumünster de Zurich. Construction du musée de Nice, premier musée national consacré en France à un artiste vivant

1971-73 Nombreuses expositions, en particulier à la Galerie Tretiakov à Moscou

1973 Inauguration du Musée National Message Biblique Marc Chagall à Nice

1974-77 Réalisation de la mosaïque pour la ville de Chicago, des vitraux de Sarrebourg et de Mayence ainsi que de la mosaïque de la chapelle Sainte-Roseline aux Arcs (Var). L’artiste est nommé Grand-Croix de la Légion d’honneur

1984 Trois expositions pour son 97e anniversaire, à Paris, au Centre Georges Pompidou, à Saint-Paul à la Fondation Maeght, et à Nice au musée national Marc Chagall

1985 Il travaille, en particulier la lithographie, jusqu’à son dernier jour, le 28 mars. Le 1er avril, il est enterré dans le cimetière de Saint Paul.

le 17 juillet 2008

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés