Marie Laurencin au musée Marmottan

Marie Laurencin, Le baiser, vers 1927-®Adagp, Paris 2012Cette exposition nous présente quatre vingt douze oeuvres de cette grande artiste trop peu connue (soixante-douze peintures et une vingtaine d’ aquarelles)  en France, mais très appréciée au Japon où un musée entier lui est consacré !

D’ailleurs à cette exposition, beaucoup de tableaux viennent de ce musée (le musée « Marie Laurencin »  compte près de 500 oeuvres !)

 

Ce qui étonne au premier abord chez Marie Laurencin, ce sont les couleurs  de ses tableaux. Elle peint dans ce que l’on appelle des « tons pastels  » c’est à dire des couleurs douces et tendres, à savoir (techniquement) des couleurs dans lesquelles elle a mis du blanc.

 

L’Ambassadrice, 1925 – Huile sur toile 89 x 67 cm – Collection particulière Marie Laurencin, L’ Ambassadrice, 1925 © Adagp, Paris 2012

L’Ambassadrice, 1925 – Huile sur toile 89 x 67 cm – Collection particulière
Marie Laurencin,, 1925 © Adagp, Paris 2012

 

Ainsi, toutes les couleurs s’éclaircissent tout en se rompant (l’inverse de couleurs vives, saturées), car le blanc additionné aux couleurs de base se rompt et éclaircit la couleur,  et peut même la changer beaucoup. Ainsi le rouge devient rose. Le bleu devient « clair » le jaune devient pâle, avec le vert. Quant à l’orange, il devient « pêche » et le violet devient du mauve et le noir devient gris.

A remarquer sur le tableau ci-dessus, l’encadrement ovale particulièrement original.

Elle dit quelque part en 1934 : « Je n’aimais pas toutes les couleurs. Alors pourquoi se servir de celles que je n’aimais pas ? Résolument, je les mis de côté. Ainsi, je n’employais que le bleu, le rose et le vert, le blanc, le noir. »

Ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait complet; en effet, on a envie d’ajouter « et le jaune », souvent d’ailleurs plus « saturé » (généralement pas de blanc) que ses couleurs habituelles.

Il y a aussi quelques toiles cubistes, qui ne sont d’ailleurs pas mauvaises, contrairement à ce qu’elle en dit : « Si je ne suis pas devenue peintre cubiste, c’est que je n’ai pas pu. Je n’en étais pas capable, mais leurs recherches me passionnent ».

C’est ici un véritable hommage à la beauté ! Et oui, ça existe aussi la beauté sans pour cela tomber obligatoirement dans le « kitch » !

Il y a dans ses œuvres, de la délicatesse, de la tendresse même. La composition y est aussi importante. On verra souvent sur les portraits des animaux domestiques, des petits chiens ou des chats comme sur le tableau ci-dessous :

La baronne Gourgaud

La baronne Gourgaud, au manteau rose, vers 1923 – Huile sur toile – 100 x 73 cm
Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou Paris – Marie Laurencin,
La baronne Gourgaud, au manteau rose, vers 1923 © Adagp, Paris 2012

Marie Laurencin eut une vie mondaine importante, elle connaissait tout ce qui faisait le monde des arts à Paris. Elle épousera même, en dépit de ses tendances saphiques, Otto von Wätjen et sera une grande amie et muse d’Apollinaire. Elle sera proche des peintres avant 1914 et plus proche des milieux littéraires après, amie de Paul Fort, Léautaud, Gaston Gallimard, Jean Cocteau dont elle fera d’ailleurs le portrait présent ici.

Une très belle exposition, à voir absolument !

21 février 2013 – 30 juin 2013 – Prolongation jusqu’au 21 juillet 2013

Horaires du Musée : Le musée est ouvert du mardi au dimanche
de 10 h à 18 heures et nocturne les jeudis jusqu’à 20 heures – fermeture le lundi, le 1er mai, le 25 décembre, et le 1er janvier.

2, rue Louis-Boilly 75016 Paris France
Tél. : 01 44 96 50 33 

Une intéressante biographie  (source : Musée Marmottan-Monet)

1883

– Marie Laurencin naît le 31 octobre, à Paris, 63 rue de Chabrol. Elle est la fille naturelle d’Alfred-Stanislas Toulet (1839-1905) et de Pauline Mélanie Laurencin (1861-1913).
La jeune Marie ne verra guère son père. Elle n’aura d’ailleurs confirmation de son identité que plusieurs années après sa mort, après la disparition de sa mère qui en avait toujours gardé le secret.

1893

– Marie entre au Lycée Lamartine.

1901-1903

– Étudie le dessin avec le peintre Louis Jouas-Poutrel (1874-1957) dans une école de la ville de Paris et la peinture sur porcelaine à Sèvres.

1904

– Entre à l’Académie Humbert. Elle y a pour condisciples Georges Braque (1882-1963) et Francis Picabia (1879-1953) avec le jeune Georges Lepape (1887-1971).
– A vingt ans, Marie rencontre Henri-Pierre Roché (1879-1959), qui devient brièvement son amant et restera longtemps son mentor. Il lui fera rencontrer nombre d’acteurs de la scène picturale parisienne.

1905

– Au Louvre, elle s’intéresse à la céramique antique, à l’art italien, aux miniatures persanes. Premiers autoportraits à l’huile. Premières gravures. Mort de son père à Vichy.

1907

– Premier envoi au Salon des Indépendants.
– Rencontre, en mai, à la Galerie Clovis Sagot rue Laffitte, Pablo Picasso, qui la présente à Wilhelm de Kostrowitzky, (Guillaume Apollinaire – 1880-1918), né, comme elle, de père inconnu.
– Dès lors, Marie fréquente le Bateau-Lavoir et Montparnasse, où elle rencontre Fernande Olivier, Max Jacob, André Salmon, Maurice Raynal, Maurice Cremnitz – dit Chevrier, Gertrude Stein, Jean Royère, Paul Fort, André Derain…

1909

– Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire posent pour le Douanier Rousseau (1844-1910) : La Muse inspirant le poète(première version « aux oeillets de poète », Kunstmuseum de Bâle, deuxième version « aux giroflées », Musée Pouchkine à Moscou).
– Marie achève Apollinaire et ses Amis que Jacqueline Apollinaire gardera jusqu’à sa mort (1967) dans l’appartement du poète, 202, boulevard Saint-Germain.

1911

– Marie séjourne en Provence, rencontre l’entomologiste Henri Fabre (1823-1915) et le jeune écrivain allemand Hanns Heinz Ewers (1871-1943), qui lui dédiera plus tard sa pièce La Berlinoise aux prodiges, signée du pseudonyme « Le Mouton carnivore ». Dans le milieu cosmopolite et francophile des étrangers vivant à Paris, elle rencontre, par l’intermédiaire de Roché, les marchands allemands Jos Hessel et Wilhelm Uhde (1874-1942).

1912

– Brève liaison avec le graveur Jean-Émile Laboureur, avant d’entamer une fructueuse collaboration, pendant vingt-cinq ans, pour ses gravures à l’eau-forte.
– Première exposition personnelle, avec Robert Delaunay (1885-1941), Galerie Barbazanges à Paris. Au vernissage le 28 février, Henri-Pierre Roché la présente à la jeune soeur du couturier Paul Poiret (1879-1944), Nicole Groult (1887- 1967), femme du décorateur André Groult (1884-1967). Celle-ci devient sa confidente, son amie intime et sa muse.
– Participe au décor de la Maison cubiste avec Raymond Duchamp-Villon installé par André Mare au Salon d’Automne ; puis au Salon de la Section d’or.
– En juin, rupture avec Guillaume Apollinaire. Séjourne à Dinard.
– Roché la présente au couturier Jacques Doucet (1853-1929) – qui lui achète deux toiles -, et à un jeune étudiant allemand, Thankmar von Münchhausen, cousin de son futur mari.

1913

– Guillaume Apollinaire publie le recueil de poèmes Alcools et des Méditations esthétiques.
– Mort de Pauline Laurencin, le 11 mai à Paris. Elle est incinérée.
– Double contrat signé avec Paul Rosenberg (1881-1959), marchand à Paris, et Alfred Flechtheim (1878-1937), marchand à Berlin et Düsseldorf.
– Rencontre, par l’intermédiaire d’Henri-Pierre Roché et de Jos Hessel, le cousin de Thankmar von Münchhausen, le baron Otto Christian Heinrich von Wätjen, dilettante francophile, peignant à Paris, qu’elle épousera le 22 juin 1914.
– Marie Laurencin participe à l’exposition du Valet de Carreau à Moscou, au Sturm à Berlin, à l’Armory Show à New York et à Chicago. Sergueï Chtchoukine à Moscou, achète deux de ses oeuvres.

1914

– Le couple doit interrompre sa lune de miel sur la cote atlantique pour se réfugier, lors de la déclaration de guerre, en août, à Madrid. L’exil de Marie Laurencin en Espagne va durer jusqu’en 1919.

1915

– Début d’une tendre complicité et d’une importante correspondance avec Nicole Groult. Nombreuses visites au Musée du Prado. Velasquez et surtout Goya la marquent profondément.

1916

– Marie Laurencin s’installe à Barcelone, elle retrouve Francis Picabia et sa femme Gabrielle Buffet, Valéry Larbaud.

1917

– Participe à la revue 391, n° 4, mars, publiée à Barcelone par Francis Picabia et Arthur Cravan, avec deux poèmes. Exposition de dessins à la Modern Gallery de New York, organisée par Francis Picabia, pour Marius de Zayas.

1918

– Mort de Guillaume Apollinaire, le 9 novembre à Paris.

1921

– Retour définitif à Paris. Séparation et divorce d’avec Otto von Wätjen.
– Refuse d’entrer à la Galerie Paul Guillaume et à la Galerie Bernheim. Première exposition personnelle à Paris chez Paul Rosenberg, rue La Boétie. S’installe 19, rue de Penthièvre. Se lie avec l’éditeur de la NRF, Gaston Gallimard, les écrivains Jean Giraudoux, Paul Morand, Alexis Léger (Saint-John Perse), Valéry Larbaud, Jean Cocteau, le banquier collectionneur Georges Bénard…

1922

– Gaston Gallimard publie L’Éventail de Marie Laurencin.

1923

– Fréquente le Boeuf sur le toit. Se lie avec Misia Sert, la Princesse de Bassiano, la Princesse Murat… Premiers portraits mondains : Baronne Gourgaud, Coco Chanel, Madame Paul Guillaume, Lady Cunard.
– Serge de Diaghilev lui commande pour les Ballets Russes les maquettes du décor et des costumes du ballet de Francis Poulenc (1899-1963) Les Biches sur un argument de Jean Cocteau. Les études pour les décors sont agrandies par le Prince Alexandre Shervashidzé.

1924

– Représentations triomphales du ballet Les Biches, sur une chorégraphie de Bronislava Nijinska, à Monte-Carlo, puis au Théâtre des Champs-Élysées à Paris.
– Le Comte Étienne de Beaumont lui commande l’affiche, le décor et les costumes du ballet du jeune compositeur Henri Sauguet (1901-1989) Les Roses, présenté dans le cadre des Soirées de Paris au Théâtre de la Cigale à Paris.

1925

– Suzanne Moreau, âgée de vingt ans, entre à son service, et devient bientôt sa servante-maîtresse.
– Collabore avec André Groult pour « La Chambre de l’Ambassadrice » à l’Exposition
Internationale des Arts Décoratifs à Paris.

1926

– Exposition Galerie Paul Rosenberg, Paris.

1927

– Décorations murales pour le nouveau restaurant Boulestin’s près de Covent Garden à Londres, exécutées sous la direction de Jean-Émile Laboureur. S’installe au 116, rue de Vaugirard à Paris.

1928

– Costumes et décor pour À quoi rêvent les jeunes filles d’Alfred de Musset à la Comédie-Française, interprété par deux nouvelles sociétaires, Marie Bell et Madeleine Renaud.
– Costumes pour le ballet d’Henri Sauguet donné chez Jeanne René Dubost : L’Éventail de Jeanne.

1929-1930

– Exposition à la Galerie Paul Rosenberg avec Braque, Matisse et Picasso.

1931

– Exposition Durand-Ruel Galleries, New York.

1932-1935

– Enseigne à l’Académie du xvie.

1933

– Réalise quelques portraits d’hommes : Somerset Maugham, Albert Flament, Edward Wassermann.
– Tableaux de fleurs, encadrés par Rose Adler, exposés à la Mayor Gallery de Londres. La préface est signée Somerset Maugham.

1936

– Exposition d’un choix d’oeuvres de 1929 à 1936, Galerie Paul Rosenberg à Paris. Autres expositions à Londres, Agnews Gallery et Tooth Gallery.

1937

– Participe avec seize oeuvres à l’exposition des Maîtres de l’art indépendant, au Petit Palais, lors de l’exposition internationale de 1937. Nommée Chevalier de la Légion d’honneur.
– L’état français acquiert La Répétition (Musée national d’art moderne, Paris) et lui commande une gravure, Les Fêtes de la danse (Chalcographie du Louvre).

1940-1941

– Séjourne près de Nantes, à Moutiers-en-Retz, au couvent des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. Rentre à Paris en août, après l’armistice. Réalise les costumes pour le ballet Un jour d’été à l’Opéra-Comique, Paris, avec le danseur Jean Babilée.

1942

– Première publication de ses souvenirs, sous le titre Le Carnet des Nuits.

1944

– Après la libération de Paris, le 8 septembre, Marie Laurencin, divorcée de longue date d’Otto von Wätjen, est arrêtée chez elle pour avoir reçu des Allemands pendant la guerre, et emmenée au camp d’internement de Drancy. L’artiste, qui n’a pas fait le voyage en Allemagne en octobre 1941, est libérée huit jours plus tard par la commission d’épuration et blanchie de toute collaboration.

1945

– Décor et costumes pour Le Déjeuner sur l’herbe, créé sur une musique de Joseph Lanner par les ballets des Champs-Élysées de Roland Petit,
avec la ballerine Janine Charrat.
– Marie Laurencin se tourne de plus en plus vers la religion.

1946

– Exposition chez Paul Rosenberg & Co, New York.
– Commande du décor pour le ballet La Belle au bois dormant, créé par les Ballets de Monte-Carlo.

1947-1948

– Séjour à Meudon dans le couvent des Bénédictines et chez les Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul aux Moutiers-en-Retz (Loire Atlantique).

1949

– Exposition « Trente portraits d’amis » à la Librairie Paul Morihien à Paris (Paul Éluard, André Salmon, Jacques de Lacretelle, Jean Cocteau, Dr Robert Lemasle, Marcel Herrand, Étienne de Beaumont, Jean Paulhan, Marcel Jouhandeau, Léon-Paul Fargue, Marcel Arland…). Préface de Jean Paulhan.

1951

– Costumes pour le ballet Dominique et Dominique, argument de Jean Davray, par la Compagnie des Champs Elysées, sous la direction de Boris Kochno et Roland Petit.

1952

– Signe un contrat avec Paul Pétridès à Paris pour deux ans.
– Séjour à Saint-Benoît-sur-Loire, puis chez les Bénédictines Saint-Louis du Temple à l’Abbaye de Limon (Seine-et-Oise). Rencontre Mère Geneviève Gallois (1888-1962), peintre.

1953

– Exposition Galerie Georges Moos, Genève.

1954

– Suzanne Moreau devient sa fille adoptive et signera désormais « Suzanne Moreau-Laurencin »

1956

– Marie Laurencin meurt d’une crise cardiaque, dans son appartement à Paris, au soir du 8 juin, dans sa soixante-douzième année. Après une cérémonie religieuse à l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise, selon son voeu, vêtue de blanc, une rose à la main, les lettres de Guillaume Apollinaire sur son coeur. Elle avait choisi Micheline Sinclair, fille de Paul Rosenberg, et mère de la jeune Anne Sinclair, comme exécutrice testamentaire.

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