Van Dongen au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

« Van Dongen fauve, anarchiste et mondain »

L’exposition présente environ 90 peintures, dessins et un ensemble de céramiques, de 1895 au début des années trente.

Le titre « Van Dongen fauve anarchiste et mondain » pourrait surprendre et veut dire simplement qu’il a été un fauve parmi les fauves, anarchiste dès sa prime jeunesse (et il a continué à l’être un certain temps) et mondain parce qu’il l’est devenu avec la célébrité, organisant de grandes fêtes dans son atelier et côtoyant les personnalités de l’époque.

Van Dongen est un très grand peintre de la lignée, me semble-t-il des Van Gogh dont on dirait que, curieusement, il a poursuivi la recherche en l’élargissant (voir « Meules » 1905 également intitulé « Nuages, Été » une huile sur toile, 65 x 53cm). Encore plus curieusement, il a été chargé de répertorier ses œuvres en 1907, soit 17 ans après sa mort.

L’exposition est hébergée dans les vastes locaux du Musée d’Art Moderne et la visite est très agréable, rythmée par une musique « jazz » datant des années folles (qui provient sans doute du film projeté à la fin de l’expo…).

On commence tout de suite par des tableaux de petite taille, malheureusement pas dans les visuels (dont « Le Sacré-Coeur » 1904 Également intitulé Vue de Montmartre, Huile sur toile, 46 x 55cm, une merveille préfigurant Nicolas de Staël, « Trouville, la mer » 1904, une toile émouvante par sa simplicité et sa pureté, huile sur toile de 28,5 x 35cm, « Le Sacré-Coeur – Le Matin », avec un ciel orange-rosé, de 1904, une huile sur toile de 81 x 65cm, « Canal à Delfshaven » vers 1895, aux couleurs magnifiques, une huile sur carton de 25 x 33cm, etc. la liste serait longue…)

Le parcours est chronologique, allant de 1895 au début des années 30. Van Dongen traverse les époques en s’adaptant aux styles principaux, fauve quand c’est fauve, un peu pointilliste sous l’influence de Seurat, tout en gardant un style propre avec un dessin magistral derrière (même si les corps semblent parfois biscornus comme dans « Autoportrait en bleu » de 1895).

Son engagement anarchiste a fait que, très tôt il s’est lancé dans la caricature et le dessin de presse, notamment pour la célèbre « Assiette au beurre ». Il dessinait les laissés pour compte, les malheureux, les pauvres, les prostituées,etc.

Une salle est consacrée à « l’orient réinventé ». Il voyage en effet en Espagne et au Maroc en 1910, émerveillé par ces pays et il en rapporte de belles toiles de style un peu différent. « Le doigt sur la joue » ci-dessous représente sans doute une espagnole. Il y a aussi là quelque chose de Van-Gogh…

Le Doigt sur la joue
1910 Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam © ADAGP, Paris 2011

Van Dongen sera également illustrateur et affichiste.

Une autre salle, « L’époque cocktail » (1916-1931), présente de grands portraits étonnants, parfois non dénués d’humour, comme le « Portrait de l’ambassadeur d’Haïti, Auguste Casséus », à la poitrine bardée d’ors et de médailles, pendant qu’un pauvre enfant noir porte une caisse derrière lui…

Portrait de l’ambassadeur d’Haïti, Auguste Casséus
1924 Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice © ADAGP, Paris 2011

De cette exposition ressort une impression de joie de vivre, d’invention avec le sentiment d’une maturité immédiate chez ce peintre (il avait trouvé son style à 17 ans !) qui dessinait et peignait très vite (là aussi comme Van Gogh).

Van Dongen est mort en 1968, à l’âge de 91 ans, mais sa période créative ne dure « que » de 1895 à 1930 environ, c’est à dire exactement la période choisie pour cette très belle exposition.

Un très intéressant petit film, très éclairant sur la vie de Van Dongen, termine cette belle exposition. Vous avez jusqu’au 17 juillet 2011 pour aller la voir.

Jean-Pierre Duvaleix, peintre

 

Quelques citations de Van Dongen

-  En 1929, dans un article intitulé « Comment je suis arrivé », Kees van Dongen résume ses débuts de peintre par un laconique « tout ça, c’est du passé », expliquant « qu’il n’a pas de place dans son esprit pour conserver les souvenirs ».

-  « La peinture est le mensonge le plus beau. La peinture est un vice, je ne peux pas faire autre chose » (à rapprocher de Bonnard qui écrivait : « Il y a une formule qui convient parfaitement à la peinture : beaucoup de petits mensonges pour une grande vérité. »)

-  « Vivre est le plus beau tableau ; le reste n’est que peinture » (à rapprocher de Van Gogh qui a écrit : « Une certaine mélancolie nous demeure en songeant qu’à moindre frais, on aurait pu faire de la vie au lieu de faire de l’art »).

 

Éléments biographiques

1877

26 janvier 1877, naissance de Cornelis Theodorus Marie (dit Kees) Van Dongen dans un faubourg de Rotterdam. Son père, Johannus Van Dongen, dirige une malterie où Kees travaille à l’âge de douze ans.

1894-1895

Suit les cours de dessin, d’art industriel et d’architecture. S’intéresse à Rembrandt, Frans Hals et à des peintres de son temps. 1ère participation à une exposition de groupe, « Maîtres vivants », Stedelijk Museum d’Amsterdam.

1896

Est membre des cercles de gauche anarchistes et symbolistes. Illustre très probablement la couverture de L’Anarchie, sa philosophie, son idéal de Pierre Kropotkine.

1897

Se rend à Paris et est hébergé par un compatriote. Participe à une exposition de groupe à la galerie Le Barc de Boutteville. Contraint d’exercer plusieurs petits métiers pour assurer sa subsistance.

1898

Expose dans la brocante du Père Soulier, à Montmartre. Repart pour la Hollande, y rencontre Augusta Preitinger, sa future femme, dite Guus. Nombreux dessins de la vie nocturne du Zandstraat qui font scandale.

1899

Retourne à Paris pour rejoindre Guus, retoucheuse chez un photographe. S’installent rue Ordener, à Montmartre.

1900-1903

Déménage au 10, impasse Girardon. Collabore à des journaux satiriques : le Rire, L’Indiscret, Gil Blas, Frou-Frou, l’Assiette au Beurre (n°30 consacré à la vie des prostituées), et aux Pays-Bas, De Ware Jacob. Félix Fénéon, critique anarchiste, l’introduit à La Revue blanche et lui présente Maximilien Luce.

1904

Parrainé par Paul Signac, participe régulièrement au 20e Salon des Indépendants jusqu’en 1922. Le critique du Mercure de France, Charles Morice salue son envoi. Rencontre Picasso, Vlaminck et Derain. Expose au 2e Salon d’automne, et ensuite très régulièrement. 1ère exposition personnelle chez Ambroise Vollard, dont Félix Fénéon préface le catalogue.

1905

Se rend souvent avec Picasso au cirque Médrano. Fréquente le Bateau-Lavoir : Max Jacob, Pierre Mac Orlan, André Salmon. Rencontre Derain, Vlaminck et Apollinaire. Deux expositions de groupe à la galerie Berthe Weill. Naissance de Dolly. Passe l’été en famille à Fleury-en- Bière chez des amis artistes hollandais. Exposition individuelle à la galerie E.- Druet.

1906

Déménage pour le Bateau-Lavoir. Picasso le surnomme amicalement le « Kropotkine du Bateau-Lavoir ». Consacre au Moulin de la Galette un ensemble de dessins et une peinture monumentale. Expose au Rotterdamsche Kunstring (le Cercle d’art de Rotterdam).

1907

Fernande Olivier, compagne de Picasso, devient son modèle. Quitte le Bateau- Lavoir. Ramène Dolly et Guus malade chez ses parents. En Hollande, est chargé de rassembler des toiles de Van Gogh. Rentre seul à Paris pour préparer une exposition à la galerie Berheim- Jeune. Exposition de peintres fauves à la galerie Berthe-Weill. Contrat oral avec Daniel-Henry Kahnweiler qui lui commande son portrait.

1908

Exposition individuelle à la galerie Kahnweiler, préface de Saint-Georges de Bouhélier. Expose à la galerie Flechtheim, à Düsseldorf. Participe à la Sécession de Berlin, à la Toison d’or à Moscou. Exposition à la galerie Berheim- Jeune. Fin du contrat avec Kahnweiler.

1909

Emménage 5 rue Saulnier, en face des Folies Bergère. Expose à la 2e Toison d’or de Moscou et au Salon d’Odessa. Grâce à Fénéon, signe un contrat de sept ans avec la galerie Berheim-Jeune.

1910

20e Sécession à Berlin, Salon de Kiev, Manés à Prague. Exposition à la galerie munichoise Thannhauser réunissant l’avant-garde française et l’expressionnisme allemand de Die Brücke. Voyage en Espagne puis au Maroc.

1911

Exposition à la galerie Bernheim-Jeune intitulée « Van Dongen Hollande-Paris-Espagne-Maroc », préface d’Elie Faure. 2ème exposition chez Berheim-Jeune.

1912

Enseigne à l’académie Vitti à Montparnasse. Nouvel atelier au 33, rue Denfert-Rochereau. Organise de fastueuses fêtes costumées, participe à de nombreuses expositions à l’étranger.

1913

Rencontre la marquise Luisa Casati, égérie de l’élite parisienne. Exposition personnelle chez Bernheim-Jeune et à la galerie Miethke à Vienne. Voyage en Egypte. Au 11e Salon d’automne, Tableau, un nu monumental de Guus, est décroché par la police.

1914

Expose à la galerie Cassirer à Berlin. Reste à Paris car la déclaration de guerre l’empêche de rejoindre Guus et sa fille aux Pays-bas. Non mobilisable.

1916

Fin du contrat avec la galerie Bernheim- Jeune. Début de sa liaison avec Jasmy Jacob, directrice commerciale de la maison de couture Jenny.

1917

S’installe avec Jasmy dans un hôtel particulier au 29, villa Saïd, près du bois de Boulogne. Exposition particulière à la galerie d’Antin. Suit la mode de près et découvre le jazz.

1918

Rupture avec Guus rentrée en France. Préface le catalogue de son exposition chez Paul Guillaume. Illustre Les Mille et Une Nuits pour les éditions de La Sirène.

1919

De 1919 à 1928, présente exclusivement des portraits à tous les Salons. Devient portraitiste à la mode. Exposition personnelle à la galerie Flechthein à Düsseldorf, chez Paul Cassirer à Berlin.

1920

Charles Rappoport, militant communiste d’origine russe, lui présente Anatole France dont il réalise un portrait qui fait scandale. Première exposition villa Saïd, choisit d’exposer désormais dans son atelier.

1921

Exposition particulière chez Bernheim- Jeune. Voyage à Venise. Achète un manoir en Seine-et-Marne où il organise une grande fête champêtre. Exposition chez Bernheim-Jeune.

1925

Monographie par Edouard Des Courières. Exposition particulière chez Bernheim- Jeune, illustrations pour le roman. La Garçonne de Victor Margeuritte.

1926

Chevalier de la Légion d’honneur.

1927

Rédige sa propre biographie. Première rétrospective au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Rupture avec Jasmy Jacob.

1928

Second voyage en Egypte.

1929

Obtient la nationalité française. Deux de ses oeuvres admises au musée du Luxembourg. Monographie de Paul Fierens.

1930-1933

Mort de son père. Contraint de vendre l’hôtel de la rue Juliette-Lamber, s’installe à Garches. Exposition chez Bernheim- Jeune.

1934-1935

Emménage au 75, rue de Courcelles. Continue de refuser de vendre afin de ne pas baisser ses prix. Se rend aux Etats- Unis pour tenter de nouer de nouveaux contacts.

1937

Expose partout en Europe. Participe à l’exposition internationale à Paris et y obtient le prix de la peinture.

1938-1940

A Cannes, rencontre Marie-Claire. S’installe à Garches avec Marie-Claire qui est enceinte.

1941-1943

Voyage en Allemagne organisé par Arno Breker, sculpteur officiel du IIIe Reich. Exposition à la galerie Charpentier. Rétrospective à Bordeaux.

1945

Interdit de Salon en raison de sa compromission lors du voyage en Allemagne de 1941.

1946-1947

Mort de Guus. Illustre À la Recherche Temps perdu de Marcel Proust. S’installe avec Marie-Claire et son fils à Monaco.

1949

Rétrospective à la galerie Charpentier et au Boijmans von Beuningen à Rotterdam.

1953

Epouse Marie-Claire.

1958-1966

Nombreuses expositions en France et à l’étranger.

1967

Rétrospective au Musée National d’Art moderne à Paris et au Boijmans von Beuningen.

1968

Mort à Monaco.

Pour marque-pages : Permaliens.

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