Georges Rouault, les chefs-d’oeuvre de la collection Idemitsu

Cette exposition se tient actuellement et jusqu’au 15 janvier 2009 à la Pinacothèque de Paris.

Elle est constituée d’oeuvres du peintre Georges Rouault provenant d’une partie de la collection Idemitsu au Japon.

Idemitsu est un riche industriel japonais (Idemitsu Petroleum) qui a consacré une partie de sa fortune à l’achat d’oeuvres d’art qu’il a déposées dans ses musées. Ses enfants ont pris la suite.

L’exposition permet de voir 70 oeuvres, dont les thèmes principaux, sont le Christ, les petites gens, le cirque, avec aussi des paysages et une nature morte (fleurs au vase jaune, très belle).

La technique de Rouault

La technique de Rouault est surprenante. Il peint en général sur du papier qui sera ensuite collé sur toile.

Il peint aussi sur du carton dont il malaxe la texture qui finit par se détacher par endroit et se mélange ainsi à la peinture à l’huile, formant une sorte de pâte grumeleuse et colorée (modifiant d’ailleurs la couleur d’origine).

Certains tableaux présentent ainsi des empâtements de plus d’1 cm d’épaisseur !

Rouault et le « zen »

Il pratique couramment une technique mixte, comme on le voit dans « Christ et disciples » de 1901, dans lequel il a utilisé du fusain, de l’aquarelle, de la gouache du pastel et de l’encre, le tout sur papier et qui est peut être l’oeuvre qui ressemble le plus aux estampes japonaises.

Ici était une photo de tableau, retirée à la fin de l’exposition (droits d’auteur).

Je ne suis pas entièrement convaincu par l’aspect « Zen » de l’oeuvre de Rouault.

Certes, les Japonais aiment Rouault, mais sans doute plus pour ses différences que pour ses ressemblances avec leur propre art.

Il suffit de voir le nombre de Japonais visiter nos musées pour comprendre à quel point ils sont curieux et admirateurs de l’art occidental, si différent du leur.

Le Christ

Rouault, profondément croyant, a peint de nombreuses scènes tirées des Évangiles et notamment le portrait du Christ, décliné de toutes les façons possibles.

On remarquera, à cet égard, un remarquable « Christ bleu » plus sobrement intitulé « Christ » et dont même le cadre est peint en bleu.

On peut dire sans conteste qu’il a vraiment renouvelé la peinture religieuse.

Le cirque

Il peint le monde du cirque et en 1912, il réalisera une admirable « petite écuyère ».

Cette fois, il n’a peint qu’à l’huile. Les couleurs sont splendides, le cheval blanc (qui en fait n’a de blanc que les oreilles et encore !)se détachant sur un fond vert, presque émeraude.

A un ruban rouge dans les cheveux de la petite écuyère répond le même vermillon sur une oreille du cheval. La façon dont la multitude de couleurs s’harmonisent est remarquable.

Les couleurs chantent

En 1930, il réalise une oeuvre « Souvenir de Sierre », la seule huile peinte directement sur toile présente à cette exposition, magnifique peinture dans laquelle Rouault fait, une fois de plus, chanter les couleurs.

Ici était une photo de tableau, retiré à la fin de l’exposition (droits d’auteur).

Rouault a l’habitude de cerner de noir les formes qu’il peint. C’est particulièrement évident dans « la femme au tambourin » (l’affiche de l’expo).

De plus la lumière semble venir de l’intérieur du tableau, à l’instar d’un vitrail.

D’ailleurs, si l’on se rappelle que Rouault a été apprenti verrier pendant 4 ans et que son travail consistait à mettre les plombs aux vitraux, on peut penser que cette façon de peindre lui vient de là.

Fidèle en amitié

Omniprésents dans cette exposition, on y présente, par des textes les décrivant, ses meilleurs et plus proches amis, comme Matisse, qu’il rencontra aux beaux arts en 1892 dans le cours de son professeur Gustave Moreau, Léon Bloy, Jacques et Raïssa Maritain, André Suarès…

Il leur restera fidèle toute sa vie, même quand parfois, il se fait « engueuler » par Léon Bloy, et qu’il reste dans son coin, immobile, attendant que l’orage passe pour que l’amitié reste, comme le décrit Raïssa Maritain.

les 315 toiles brûlées

En 1939, Ambroise Vollard trouve la mort dans un accident d’auto et Rouault se retrouve face aux héritiers qui lui envoient les toiles inachevées à terminer.

Étant donné l’époque et son éloignement (il s’est réfugié dans sa maison de Beaumont sur Sarthe), Rouault n’a pas vraiment le temps de réaliser tout ce travail et les héritiers font poser les scellés sur son atelier de Paris en 1940.

Rouault en est profondément choqué et il est donc contraint d’aller en justice pour récupérer ses propres oeuvres à terminer (elles aussi) !

Mais il faudra attendre 1947 pour que la Justice lui accorde la restitution de 800 inachevés.

Et le 5 Novembre 1948, il brûlera devant huissier 315 toiles inachevées (prétextant qu’à 77 ans, il n’a plus le temps de les terminer, mais ne s’agirait-il pas plutôt d’une vengeance envers les héritiers de Vollard ?). La scène sera filmée.

Une belle exposition, à voir absolument avant que les 70 toiles regagnent le Japon !

Quelques citations de Rouault :

L’acte de peindre (et de dessiner) exige une telle obéissance qu’il devient hypnose, qu’il nous arrache de notre personne au point que le temps et le monde qui nous entoure n’existent plus (***)

Une autre qu’on espère prémonitoire ( !) :

Entre deux périodes d’un art vulgaire et quelconque, tout à coup la fleur d’un art plus racé et plus fier s’épanouit (***)

 

 

Courte biographie de Georges Rouault (1871 – 1958)

Georges Rouault est né le 27 Mai 1871 à Paris, en pleine Commune !

Fils d’un ouvrier ébéniste, vernisseur de pianos chez Pleyel, il est contraint de devenir apprenti verrier à l’âge de 14 ans.

Mais le jeune Rouault se cultive, il lit beaucoup et s’intéresse aussi à la peinture, admirateur de Daumier, Courbet, Manet…

Et justement, comme l’a dit son ami Matisse, le style vient avec la culture.

Fin 1890, Rouault décide de se lancer dans la peinture et s’inscrit à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.

En 1892, Rouault intègre l’atelier de Gustave Moreau aux Beaux-Arts (dont il devient l’élève préféré), aux côtés notamment de Marquet et Matisse.

1895 : Rouault fait sa première communion à l’âge de 24 ans !

Gustave Moreau meurt en 1898 et Georges Rouault en est bouleversé.

Il fera une dépression qui durera 5 ans.

En 1902, il est nommé conservateur du musée Gustave Moreau, ce qui l’aidera financièrement un peu (il touche 2400 francs annuellement, ce qui représente 7687 euros).

Il loue la même année un atelier avec Marquet, près de la place Clichy. Cet atelier lui servira notamment pour peindre des prostituées.

La rencontre avec Léon Bloy, qu’il admire, a lieu le 21 Avril 1904. Leur amitié durera jusqu’à la mort de Bloy, malgré de nombreuses dissensions qui tiennent notamment au fait que Léon Bloy est choqué par « la violence des Filles« .

En 1905, Rouault rencontre Jacques et Raïssa Maritain chez Léon Bloy. Là non plus, leur amitié ne se démentira pas, au fil du temps.

Il rencontre le marchand d’art Ambroise Vollard en 1907 et lui envoie des céramiques et des tableaux.

En 1908, Rouault épouse Marthe Le Sidaner (1873-1973), soeur du peintre célèbre Henri Le Sidaner et pianiste.

Quatre enfants naîtront de cette union.

Il faudra attendre 1910 pour que Rouault ait sa première exposition individuelle de peintures et de céramiques (à près de 40 ans !).

Dès lors il deviendra célèbre et reconnu (même s’il est loin de faire l’unanimité !).

En 1911, il rencontre André Suarès qui deviendra son ami.

Ambroise Vollard achète l’atelier de Rouault (770 oeuvres pour 49.1509 francs -environ 130.000 euros) mais ne sera payé qu’en 1917, Vollard lui laissant le temps de finir les toiles non terminées.

En 1914, la déclaration de guerre oblige la famille Rouault à déménager . Il ne se remettra à peindre qu’à son retour, plus d’un an après son départ.

On peut arrêter là la biographie. Pendant toutes les années qui suivront, Rouault peindra, écrira des livres, fera des décors de théâtre, illustrera des oeuvres, fera des projets pour des tapisseries, de la gravure, etc.

Georges Rouault meurt comblé d’honneurs en 1958 à l’âge de 87 ans.

(Source : Catalogue de l’exposition Georges Rouault Éditions Pinacothèque de Paris 40 euros)

(***)Sur l’art et sur la vie de Georges Rouault, chez Gallimard Folio essais

le 28 novembre 2008
Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés